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DISPARUS

Rêvait-il ?… Mais non ! La bourse était là dans sa main. Elle lui meurtrissait délicieusement la chair, tant il la serrait avec amour. Vite !… vite à la maison !… Il s’arrêterait pour les provisions tout près de chez lui.

Tremblant d’allégresse, Jean, transfiguré, prit sa course.

Il ne faisait plus ni froid ni sombre. Le soir de novembre n’était plus triste, lui semblait-il. Il se sentait des ailes et le cœur si ravi qu’il avait peine à ne pas chanter bien haut son incroyable félicité.

Afin d’être arrivé plus tôt, il courait presque, au lieu de marcher. Devant ses yeux passait et repassait la vision de toutes les douces choses qu’allait procurer cet argent, tombé du ciel.

« Maman !… maman !… comme tu vas être contente !… » murmurait-il.

Subitement, il s’arrêta court, cette brève phrase qu’il venait de prononcer à demi voix le frappant tout à coup comme une décharge électrique. Quelque chose en lui, une voix mystérieuse, avait crié soudain :

« Mais non !… ta mère ne sera pas contente ; tu sais bien qu’elle t’a appris à respecter le bien d’autrui… Elle ne sera pas contente… car cet argent n’est pas à toi !!!… »

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

(La fin prochainement.) Victor Favet.


DISPARUS
Par JACQUES LERMONT

II

La grotte d’Yvon.


Yvonnaïk, désespéré de la décision subite de son père, et sentant bouillonner en lui son sang sous le coup de l’injure reçue, sans réfléchir qu’il l’avait provoquée par ses paroles trop vives, Yvonnaïk était parti de la maison paternelle comme un fou, non avec une intention arrêtée de fuir, mais uniquement pour se cacher loin de tous les yeux et pleurer à son aise. Le garçon était fier et se vantait que jamais personne ne l’eût vu pleurer depuis sa plus tendre enfance. Ainsi l’avait élevé Manon, pas du tout en petite fille timide et faible. Quitter Manon, grande Manon, sa sœur, sa mère, à la fois, non, il ne le pourrait jamais. Et cependant, il faudrait se résigner si son père l’exigeait. Yves serrait les poings. Les larmes voulaient venir dans ses yeux, mais il avait résolu de ne leur donner libre cours que lorsqu’il serait dans certain endroit connu de lui seul. Les gamins de Penhoël, ses camarades de jeu, ignoraient même l’existence de cet endroit.

C’était, au sommet des rochers qui bordaient la côte, de l’autre côté de la petite baie, sur le bord de la falaise, une grotte dont Yvonnaïk avait fait la découverte par hasard, peu auparavant.

Comment il l’avait trouvée ? À cause d’une superbe touffe de roseaux qu’on apercevait, en passant, du sentier zigzaguant au faîte de la falaise presque à pic, et dominant la mer. Là, le bord de la falaise était comme entamé, il semblait qu’il en fut tombé un morceau dans la baie ; et cette cavité de la roche formait une niche verdoyante du fond de laquelle surgissait une véritable moisson de panaches bruns dont grande Manon était très friande pour ses jardinières… Yves n’avait pas eu de peine à descendre le sentier qui menait de là, par un petit embranchement, à une source d’eau très fraîche, filtrant de la roche, où les cultivateurs, l’été, venaient volontiers se rafraîchir. Yves, descendu là, avait coupé une magnifique gerbe de pana-