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Gérard, collé, aplati, accroché comme par miracle aux flancs glissants de la montagne en marche…

La nuit grandissante rend la manœuvre plus difficile encore : il s’agit de redescendre, de longer l’iceberg, d’arriver à le joindre d’assez près pour que Gérard se hasarde à sauter dans la cabine… Henri n’a pu voir s’il tient toujours Djaldi, et à vrai dire le péril mortel de son frère lui a fait oublier l’existence même de l’enfant.

Une fois de plus la machine obéissante redescend d’un mouvement égal et rythmé ; l’iceberg, emporté par les vagues, marche, écrasant d’un choc puissant les masses rivales qui viennent se mesurer à lui… Enfin Henri est au niveau de son frère ; un moment d’incertitude atroce : Gérard doit-il abandonner son précaire appui, se lancer dans le vide, tomber peut-être et se trouver broyé entre deux blocs de glace sous les yeux de son frère ? L’oiseau géant plane, fantastique, les ailes ouvertes et semble animé d’une vie réelle…

Enfin Gérard réussit à saisir la courroie, qu’il a su attacher solidement à une des côtes de l’oiseau ; tout l’appareil penche périlleusement de son côté, mais d’un suprême effort il réussit à lancer le corps inerte de Djaldi sur la cabine ; dans son élan ses pieds abandonnent la margelle glissante, il tombe, mais Henri, lâchant tout pour le saisir, l’attire, l’étreint, et, au risque de tomber avec lui, parvient enfin à le hisser ; ils roulent ensemble au fond de la cabine et y demeurent un instant affalés, haletants, tandis que l’oiseau mécanique, privé de son guide, bat lamentablement des ailes et marche à l’aventure dans la nuit.

Un choc les ramène à la réalité ; d’un bond Henri est à sa place, les mains aux poignées, et fait agir le moteur, qui les élève aussitôt à cinq ou six cents mètres, tandis que les deux icebergs, dont la rencontre a failli les réduire en poussière, se heurtent, se brisent et s’abîment avec un fracas épouvantable dans les eaux tourbillonnantes.

(La suite prochainement.) André Laurie.


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