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épaules ; à moitié enfant par ton inexpérience ! Je me demande si tu réaliseras tes ambitions, ou si l’avenir ne te réserve pas d’amères déceptions.

— Peut-être pourrez-vous m’aider à trouver le moyen de m’instruire, dit Jock d’une voix suppliante.

— J’y réfléchirai, et avant que tu me quittes, je te dirai ma résolution. En attendant, amuse-toi tant que tu pourras.

— Vous êtes bien bon pour moi. M. Harrison ne comprend rien à mes aspirations. Cependant il a été très aimable. Il m’a conduit voir « The Tower Bridge ». Je suis descendu dans un bateau avec Tramp pour mieux examiner, et notre conducteur nous a attendus patiemment.

— Pauvre vieux Harrison ! C’est là que tu l’as entraîné ! dit en riant M. Grimshaw. Ce pont est, paraît-il, d’un beau travail. Jamais je ne l’ai vu.

— C’est magnifique, s’écria Jock avec enthousiasme. Si vous le voulez, je vais essayer d’en faire le dessin. »

Jock s’allongea sur le tapis du foyer et, le papier sur lequel il s’apprêtait à dessiner, s’envolant :

« Cherche Tramp, bon chien ! dit-il. L’animal prit le papier dans sa gueule et le rapporta.

« Ce chien est vraiment un type ; tu lui as sans doute appris le manège ? »

Jock secoua la tête.

« Il rapporte tout ce qu’on lui demande, fallut-il l’enlever des mains d’un voleur. »

Puis l’enfant devint silencieux, absorbé dans son travail.

Le dessin fut achevé avec une grande exactitude ; l’heureux artiste l’apporta tout fier à son vieil oncle.

« Je m’attendais, lui dit-il, pendant l’examen, à être appelé par vous enfant étrange ou bizarre. Tous ceux à qui j’ai parlé de ces choses qui m’intéressent ont semblé me prendre en pitié. Je suis bien content que vous m’ayez mieux compris. »

Après avoir examiné avec la plus grande attention le travail de Jock, M. Grimshaw leva les yeux.

« Tous, en général, sont des sots, dit-il brusquement ; sur ma parole, je ne te trouve pas étrange et il y a du génie en toi.

A. Decker, d’après E. Hohler.

(La suite prochainement.)

LE GÉANT DE L’AZUR
Par ANDRÉ LAURIE

XIII

Trouvaille.


En dépit de tous les efforts des naufragés, la situation paraissait chaque jour plus désespérée. Comment échapper à cette prison antarctique et sortir de la tombe pour revenir au nombre des vivants ?… À ce problème incessamment creusé, personne ne trouvait de solution. Par mer, l’évasion était impossible, faute d’embarcations ; par les airs, faute d’aviateur ; la glace elle-même, qui, plus près du pôle, eût offert un champ d’action, ne formait ici qu’une marge insuffisante autour de l’île de granit. On ne pouvait raisonnablement compter que sur le passage fortuit d’un baleinier ou sur l’arrivée de quelque épave apportée par les flots avares.

Guettant toujours une de ces chances, Gérard grimpait, selon sa coutume quotidienne, au point culminant du pic.