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— Non, monsieur, le bon Dieu défend de maudire personne… Nous prions tous les jours pour lui…

— Lui pardonnerais-tu ?

— Certainement ! Il faut bien pardonner aux autres, si nous voulons être pardonnés, à notre tour !…

— Merci, Catherine, de me parler ainsi… Je suis cet oncle au cœur impitoyable qui fit tellement pleurer ta grand’mère…

— Mais l’oncle Léonard est émailleur ?

— Eh bien ?

— Je vous croyais boulanger !… à cause du four…

— Catherine, va chercher ta maman, cours vite… Dis-lui de venir occuper chez moi les grandes chambres qui s’ennuient d’être vides…

— Oui, monsieur, non… mon oncle. »

Déjà la fillette ramassait Pierrot.

« Non, laisse-le, conseilla le vieillard, tu iras plus vite !… Donne-le moi plutôt… Nous jouerons ensemble… »

Il reprit le bébé : les cheveux d’or et les joues roses auprès de la longue barbe grise faisaient songer au jeune printemps et au vieil hiver…

Jaquissou pleurait dans un coin ; son maître l’appela :

« Mon garçon, dit-il, jamais je ne me suis senti aussi heureux… Je vais essayer de réparer une longue vie d’injustice… Ce bonheur me vient par toi !… Je t’en remercie… Nous ne nous quitterons plus !… Après moi, tu seras le premier émailleur de Limoges, et ton apprenti, le voici ! »

Il éleva le poupon en l’air, et Pierrot, croyant que c’était un jeu nouveau, éclata de rire…

Jaquissou sortit sans bruit de la pièce et courut dans sa chambrette ; l’émotion l’étouffait : il ouvrit la fenêtre pour respirer l’air du dehors.

La neige de la veille fondait sous le soleil de midi et une vague odeur de lilas, qui arrivait de la campagne voisine, annonçait l’avril.

Le garçonnet huma la brise embaumée avec délices et pensa, le cœur débordant de reconnaissance, que Dieu était bon de donner aux hommes le printemps après l’hiver…

J. de Coulomb.
FIN.
KSOUR ET OASIS[1]

CHEVAUCHÉES D’UN FUTUR SAINT-CYRIEN À TRAVERS LE SUD-ORANAIS

IX


26 novembre. — En route pour Chellala ! Non pas le Chellala du Sud, — Gueblia, — le Chellala peuplé de Tedjiniia, misérable hameau d’une centaine de gourbis dont la plupart sont de simples trous creusés dans le tuf ; celui-là, nous le laisserons sur notre droite, sans nous en occuper autrement. Mais le Chellala du nord, — Dahrania, — le Chellala des Trafis, le Chellala de l’Histoire enfin.

Vingt-cinq kilomètres d’alfa et nous y fûmes.

J’écoutais parler M. Naimon.

« Placé contre l’entrée sud-ouest du long défilé que forment les deux chaînes parallèles dites : « Les Moualok[2] », le Chellala du nord s’élève au point de rencontre des routes venant de Géryville, d’Aïn-Sefra, de Benoud par Bou Semghoun, et d’El Abiod. D’où son importance et la raison des combats qui s’y sont livrés. Aussi les maisons, solidement construites en pierres maçonnées, et la large ceinture de

  1. Voir les nos 180 et suivants.
  2. Les Moualok comprennent le Milok el Guébli et le Milok el Dahrani.