Page:Hetzel - Verne - Magasin d’Éducation et de Récréation, 1903, tomes 17 et 18.djvu/591

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
199
BOURSES DE VOYAGE

fameuse phrase latine dont il n’avait pas encore trouvé le sens. Toutefois il n’en dit mot, et Tony Renault, qui le regardait d’un air narquois, n’y fit aucune allusion. Mis au courant de la conversation, il donna raison au jeune pensionnaire qui tenait d’une main si vaillante le pavillon de l’école antilienne. Et le voici, l’excellent homme, qui se donne pour exemple. Il était l’économe d’Antilian School, c’est-à-dire absolument étranger à toutes les connaissances maritimes… Il n’avait jamais voyagé à travers les océans, même en rêve… En fait de bâtiment, il n’avait guère vu que ceux qui remontent ou descendent la Tamise à travers Londres… Eh bien, rien que parce qu’il appartenait au personnel administratif de la célèbre institution, il s’était trouvé capable d’affronter les colères de Neptune !… Sans doute, au début, pendant quelques jours, les secousses du roulage…

— Roulis, souffla Tony Renault.

— Oui… roulis…, reprit M. Patterson, du roulis et du tang… oui… du tangage m’ont éprouvé, parait-il !… Mais, à présent, ne suis-je pas cuirassé contre le mal de mer ?… N’ai-je pas le pied marin ?… Croyez-moi… experto crede Roberto.

— Horatio, souffla encore Tony Renault.

— Horatio… puisque j’ai été baptisé du même nom que le divin Flaccus !… Et, si je ne désire point lutter contre les tempêtes, les tornades, les cyclones, être le jouet des tourmentes et des ouragans, du moins je les contemplerais d’un œil ferme et sans pâlir…

— Je vous en fais mon compliment, monsieur Patterson, répondit Will Mitz. Du reste, entre nous, mieux vaut ne point en faire l’expérience… J’ai passé par là, et j’ai vu les plus braves parfois en proie à l’épouvante, lorsqu’ils se sentaient impuissants devant la tempête…

— Oh ! fit M. Patterson, ce que j’en dis, ce n’est point pour provoquer la fureur des éléments ! … Loin de moi cette pensée, qui ne serait ni d’un homme prudent, d’un mentor, d’un chargé d’âmes, de jeunes âmes, et qui sent tout le poids de sa responsabilité !… D’ailleurs, Will Mitz, j’espère que nous n’avons rien à redouter de semblable…

— Je l’espère comme vous, monsieur Patterson. À cette époque de l’année, les mauvais temps sont assez rares dans cette partie de l’Atlantique. Il est vrai, un orage est toujours à craindre, et, un orage, on ne sait jamais ni ce qu’il sera ni ce qu’il durera… Nous en éprouverons, sans doute, car ils sont fréquents en septembre, et je souhaite qu’ils ne se changent point en tempête…

— Nous le souhaitons tous, répondit Niels Harboe. Cependant, en cas de mauvais temps, nous pouvons avoir toute confiance en notre capitaine. C’est un marin habile…

— Oui, répondit Will Mitz, je sais que le capitaine Paxton a fait ses preuves, et j’en ai entendu dire le plus grand bien en Angleterre…

— Avec raison, déclara Hubert Perkins.

— Et son équipage, demanda Will Mitz, vous l’avez vu à l’œuvre ?…

— John Carpenter paraît être un maître très entendu, déclara Niels Harboe, et ses hommes connaissent bien la manœuvre d’un navire.

— Ils ne sont pas causeurs… fit observer Will Mitz.

— En effet, mais leur conduite est bonne, répondit Magnus Anders. Puis, la discipline est sévère à bord, et le capitaine Paxton ne laisse jamais aucun matelot descendre à terre… Non ! il n’y a rien à leur reprocher…

— Tant mieux, dit Will Mitz.

— Et nous ne demandons qu’une chose, ajouta Louis Clodion, c’est que la campagne se continue dans les conditions où elle s’est faite jusqu’à ce jour. »