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JULES VERNE

pas à bord des navires de guerre que vous avez le plus navigué ?…

— Non, mes jeunes messieurs, répondit Will Mitz. Je ne suis resté que trois ans à l’État, et c’est au commerce que j’ai fait mon apprentissage de gabier.

— Sur quels bâtiments ?… demanda Magnus Anders.

— Le North’s-Brothers, de Cardiff, avec lequel je suis allé à Boston, et le Great Britain, de Newcastle.

— Un grand navire ?… dit Tony Renault.

— Certes, un charbonnier de trois mille cinq cents tonneaux, qui avait pris son complet chargement pour Melbourne.

— Et qu’est-ce que vous rapportiez ?…

— Des blés d’Australie à destination de Leith, le port d’Édimbourg.

— Est-ce que vous n’aimez pas mieux la navigation à voile que la navigation à vapeur ?… reprit Niels Harboe.

— Je la préfère et de beaucoup, répondit Will Mitz. C’est plus marin, ces traversées-là, et, en général, elles sont aussi rapides que les autres… Et puis, on ne navigue pas au milieu des fumées de charbon, et rien n’est magnifique comme un bâtiment couvert de toile, qui peut faire ses quinze ou seize milles à l’heure !

— Je vous crois… je vous crois !… répliqua Tony Renault que son imagination entraînait à travers toutes les mers du monde. Et quel est le navire sur lequel vous allez embarquer ?…

— L’Elisa Warden, de Liverpool, un superbe quatre-mâts en acier, de trois mille huit cents tonnes, qui est revenu de Thio en Nouvelle-Calédonie avec un chargement de nickel.

— Et quelle cargaison va-t-il prendre en Angleterre ?… demanda John Howard.

— Une cargaison de houilles pour San Francisco, répondit Will Mitz, et je sais qu’il est affrété pour retour à Dublin avec blés de l’Oregon.

— Que doit durer le voyage ?… reprit Magnus Anders.

— De onze à douze mois environ.

— Ah ! s’exclama Tony Renault, voilà des traversées que je voudrais faire !… Un an entre le ciel et l’eau !… L’océan Atlantique, la mer du Sud, l’océan Pacifique !… On va par le cap Horn… on revient par le cap de Bonne-Espérance ! … C’est presque le tour du monde !…

— Eh ! mon jeune monsieur, répondit Will Mitz en souriant, vous auriez aimé la grande navigation…

— Assurément… et plus encore comme marin que comme passager !

— Voilà qui est bien dit, déclara Will Mitz, et je vois que vous avez goût pour la mer !…

— Magnus Anders et lui, affirma Niels Harboe en riant, si on les écoutait, il faudrait leur abandonner la direction du navire, l’un après l’autre à la barre !

— Par malheur, fit observer Louis Clodion, Magnus et Tony sont trop âgés pour faire leurs débuts dans la marine…

— Dirait-on pas que nous avons soixante ans !… riposta Tony Renault.

— Non… mais nous en avons vingt… avoua le jeune Suédois, et peut-être est-il trop tard…

— Qui sait ?… répondit Will Mitz. Vous êtes hardis, lestes, bien portants, et, avec ces qualités-là, le métier s’apprend vite !… Cependant, mieux vaut commencer jeune… Il est vrai, pour la marine du commerce, il n’y a pas d’âge réglementaire.

— Enfin, dit Louis Clodion, Tony et Magnus verront cela, lorsqu’ils auront fini leurs études à Antilian School…

— Et, quand on sort d’Antilian School, conclut Tony Renault, on est apte à tous les métiers… N’est-il pas vrai, monsieur Patterson ?… »

Le mentor, qui venait d’arriver, paraissait un peu préoccupé. Peut-être songeait-il à la