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les flottes civilisées, le commandant Marston avait institué un « rapport » qui réunissait chaque matin les survivants du Silure et les trois Français, pour mettre en commun les petits événements du moment et échanger les opinions qu’ils avaient pu faire naître.

Ce matin-là, on parla surtout de la difficulté croissante de trouver sur le sol le combustible nécessaire à l’entretien du feu.

« Après tout, remarqua Henri, ce foyer diurne et nocturne est-il bien nécessaire ? En admettant que de malheureux navigateurs en quête d’huile de baleine vinssent assez près de nous pour remarquer soit notre feu, la nuit, soit notre fumée, le jour, — et cela paraît de moins en moins probable dans ces parages désolés, où nous n’avons même pas encore aperçu un seul cachalot, — n’est-il pas à craindre qu’ils ne voient en ce signal une manifestation volcanique ? Et, dans ce cas, leur première pensée ne serait-elle pas de s’en écarter au plus vite ? Pas un homme sur mille, assurément, ne croira que ce misérable îlot soit habité.

— Mais un sur mille le pensera peut-être, répondit vivement Gérard ; et, pour cette chance unique, il me semble que nous devons persévérer. Songez à notre rage, à notre désespoir, si un hasard miraculeux amenait la délivrance à notre portée et qu’elle nous échappât par notre faute !

— C’est évident ! fit le commandant. Je vois, monsieur Gérard Massey, que l’occasion n’eût-elle que le quart de son cheveu traditionnel, vous ne seriez pas homme à la laisser échapper !

— Ma foi, non ! Il me tarde trop de sortir de ce détestable séjour. Convenez que cette île est d’une monotonie déplorable ! Quant aux graffitti de la caverne !… ils sont assurément d’un haut intérêt, mais, pour ma part, je déclare les avoir assez vus… Si j’osais exprimer mon avis, je dirais que, le navire espéré se faisant décidément attendre, il serait grand temps d’aviser aux moyens de nous tirer d’ici par nos propres ressources.

— Oui ; mais ces moyens, quels sont-ils ? s’écria le commandant. Indiquez-nous-en un et nous l’adoptons d’enthousiasme. Malheureusement, le mécanicien se déclarant inca-