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COMME NEIGE AU SOLEIL… (Suite.)


IV


Un matin, cependant, l’apprenti ne parut pas chez ses amies. Catherine n’en déjeuna point… Pierrot, lui-même, semblait inquiet. La journée se passa, personne !… Le lendemain, le surlendemain, toujours personne ! …

Le troisième jour, la fillette n’y tint plus ! « Maman, dit-elle, Jaquissou doit être malade, me permets-tu d’aller aux nouvelles ?…

— Tu ne connais pas son adresse…

— Le marchand de légumes, qui habite au coin de la rue du Consulat, me la donnera. Jaquissou y entre souvent. »

Et Catherine, après s’être enveloppée d’un châle blanc, partit en courant, sans se préoccuper de la neige qui recommençait de tomber…

Le vieux soldat bourru parut surpris de la question que lui posait l’enfant :

« Jaquissou ? dit-il. Il est au service du père Léonard.

— Où habite-t-il ?

— Dans cette rue… une maison dont les fenêtres sont grillées d’une dentelle de fer… La porte est ornée de clous à tête ronde… Le marteau représente une bête aux gros yeux qui tient un anneau dans la gueule… Tu trouveras sans peine, mais je ne te garantis pas une bonne réception, par exemple !… »

Catherine était déjà loin : elle eut tôt fait de découvrir les fenêtres grillées et la bête aux gros yeux, et, se hissant sur la pointe des pieds, elle souleva hardiment le lourd heurtoir.

Personne ne répondit à son appel !

Elle frappa encore et colla son œil au trou de la serrure ; la grande pièce qu’on apercevait était déserte.

Pour la troisième fois, Catherine s’attaqua au chat de fer qui avait l’air de se moquer d’elle, et elle écouta, l’oreille contre le vantail. Une voix, qui semblait venir de très loin, criait :

« Tournez le bouton, et entrez ! »

La petite obéit à l’injonction : elle se trouva alors dans une salle carrelée dont un four occupait le fond.

« Le père Léonard est boulanger, pensa-t-elle.

— Qui est là ? » cria la même voix grondeuse.

Catherine quitta ses sabots et, allant jusqu’à une porte ouverte, elle répondit :

« C’est moi, monsieur ! »

Et, sans hésiter, guidée par un bruit de toux, elle traversa de grandes chambres aux persiennes closes où son pas léger éveillait de furtifs craquements.

La voix mystérieuse répétait, un peu inquiète : « Qui est là ? »

La fillette aperçut tout à coup celui qui parlait : un vieux bonhomme, à la longue barbe grise, que des oreillers, empilés derrière sa tête, tenaient assis dans son lit.

À la vue de l’enfant, sa figure se contracta dans une expression de colère, et, cependant, l’apparition était gracieuse ; sous son châle blanc, moucheté de neige, Catherine ressemblait à une petite fée de l’hiver.

« Qui t’a permis d’entrer ici, effrontée ? » cria le malade entre deux quintes de toux.

Catherine ne se déconcerta point…

« Monsieur, dit-elle, je viens d’abord vous remercier ; nous avez été très bon pour nous quand nous étions si malheureuses…

— Moi !… Tu me la bailles belle !…

— Mais certainement, monsieur !… Jaquissou nous apportait, de votre part, du fricot et aussi du lait pour Pierrot !… »

La figure du vieux ne se dérida point… au contraire !