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cher s’abaissait un peu ; contre cette saillie les terres s’étaient amassées, soutenues par le plafond, très solide en cette place. Si solide même que cela surprit l’inconnu. Se rappelant soudain les détails donnés par l’ingénieur chargé de diriger le sauvetage, il se dit : « Je suis sans nul doute sur la portion étayée après le premier éboulement. C’est là-dessous que devraient se trouver Andelot et Volchow, ou bien ils sont morts… »

Tout en réfléchissant il s’efforçait de distinguer ce qui se passait sous les madriers lui servant d’appui ; car, s’il ne se trompait pas, il existait un espace d’environ trois mètres, fortement étayé, où des terres provenant du second éboulement s’étaient peut-être répandues, mais qu’elles n’avaient pu combler.

Sans autre outil qu’un couteau de poche, l’inconnu entreprit de dégager un petit coin. Après une heure de travail, il avait pratiqué une fente imperceptible.

Il y appliqua son oreille. Une rumeur lointaine lui parvint : plaintes, cris, paroles, un peu de tout…

Aussitôt, approchant ses lèvres de l’interstice, il appela de toute sa force.

« Le secours vient ! le secours vient ! » crièrent des voix en tumulte.

Et un bruit de pas précipités monta jusqu’au sauveteur.

« Où êtes vous ? demanda l’ingénieur russe.

— Au-dessus des travaux pratiqués récemment. J’espère pouvoir vous faire passer des vivres. Courage ! répondit-il en français.

— Andelot, s’écria Volchow, c’est un de vos compatriotes. D’où sort-il ? qui est-il ?

— Comment est-ce un étranger qui vient à nous ? »

Le blessé se releva sur son coude, et, se jugeant trop loin, se fit porter jusqu’auprès du boyau creusé la veille.

« Vous êtes Français ? demanda-t-il d’une voix tremblante d’émotion ; vous venez de France ?

— Tout droit, oui, mon oncle.

— Votre oncle !

— Eh oui. Mais d’abord dites-moi que vous êtes sain et sauf.

— Je suis vivant… le reste ne compte pas, repartit le blessé oubliant sa souffrance. Lequel de mes neveux est donc arrivé si à point pour me porter secours ?

— À vrai dire, mon voyage a un autre but… Mais, me trouvant là, il était bien naturel…

— Oui, je comprends ; qui eût pu prévoir une telle catastrophe ! Alors ?

— Je suis le fils de votre frère Philippe, baron de Kosen ; je suis venu vous demander la main de ma cousine Claire. Le moment n’est peut-être pas très bien choisi, mais, puisque vous avez souhaité connaître le motif de ma présence… Ne me répondez pas. Il s’agit d’abord d’assurer votre dîner à tous. Et il y a encore du chemin entre vous et les victuailles qu’on est en train de préparer.

— Me voici », dit une voix derrière de Kosen.

Celui-ci se retourna, saisi de surprise : un mineur était là, qui avait suivi le chemin frayé par lui. Sur le dos il portait une sacoche qu’il détacha :

« Ce sont des vivres : je vais retourner chercher une autre charge, annonça-t-il.

— Vous entendez, d’en bas ? Le souper est là, il ne s’agit que de venir le prendre. »

Ce fut un délire de joie. Ils se sentaient reliés au monde des vivants, et, rien qu’à savoir les vivres si proches, leur faim s’apaisait. Restait à pratiquer une ouverture dans le plafond.

Le mineur dit :

« Barine, — l’ingénieur à qui Hervé s’était nommé avait appris à ses hommes qui était celui qui se dévouait en ce moment à leurs camarades, — je vais chercher une scie. »

Et il retourna.

N’ayant rien de mieux à faire, Andelot voulut reprendre l’entretien.

Hervé s’y prêta volontiers, mais, tout en