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des Affaires indigènes, qu’il désirerait se faire accorder « l’aman » ou pardon dans de larges conditions. Quelques milliers de francs comme pension, et une bonne petite place d’agha, voilà qui sans doute ne serait pas pour lui déplaire. Mais on se fait tirer l’oreille. En tout cas, pour la plupart des gens du Sud, s’il est toujours un marabout considéré, il n’est plus le guerrier saint, l’élu de Dieu qui doit rejeter les Français à la mer.

« L’insurrection de 1864 avait enflammé tout le Sud algérien, s’était étendue jusqu’au Tell, et avait duré des années ; celle de 1881 resta localisée ; quelques mois suffirent pour l’étouffer. C’est que déjà notre Sud oranais, occupé plus fortement, était pénétré par une voie ferrée. Avec le chemin de fer on amène si aisément des secours de toute sorte, hommes et vivres, aux points menacés !…

« On vient de le voir pour le bombardement de Figuig.

« Et maintenant, à Moghar Tahtani, de la zaouïa et de l’habitation de Bou Amama, rasées en 1883, il ne reste plus qu’une citerne, le « Puits de Bou Amama », où nagent paisiblement quelques barbillons.

« Par contre, vous y voyez encore des constructions élevées plus tard par les spahis que l’on y détacha pendant un certain temps. Elles ont résisté en grande partie aux outrages des hommes. »

Je pus en effet visiter, avec M. Naimon, une tour dressée au sommet d’un mamelon du haut duquel on domine l’oasis entière et la vallée. Un chemin couvert, en parfait état, la relie, en bas, au bordj où campaient nos spahis.

À l’entrée de ce bordj, sur le montant intérieur du portail, côté gauche, une inscription latine s’étale, suivie des noms de tous les Français, officiers compris, qui créèrent le poste :

hic dux et non multi spahis
labore improbo ædificaverunt
muros, domos stabulaque et
castellum moghar tahtani
castelin anno 1889.


(La suite prochainement.) Michel Antar.

FILLE UNIQUE

XIV (Suite.)

Se relevant sur les genoux, il se glissa entre les pièces de bois, se dressa contre un madrier tombé en bout, et, se sentant d’aplomb, se cramponna d’une main à ce point d’appui, tandis que, de l’autre, il élevait sa lampe au-dessus de sa tête.

Un cri faillit lui échapper ; un cri de joie qu’il étouffa entre ses lèvres, par crainte de donner un faux espoir aux malheureux qui attendaient : il avait reconnu un plateau de granit.

Que la couche dure se prolongeât jusqu’à l’extrémité de la partie écroulée, que l’on put faire passer des vivres à ces pauvres gens, et cela permettait de procéder au sauvetage méthodiquement, en toute sûreté.

Il se risqua à jeter un appel, ajoutant :

« Point de bruit ! qu’un seul réponde. »

Mais ce ne furent pas les séquestrés, ce fut l’équipe immobile dans l’eau au pied du barrage, qui perçut sa voix :

Alors une inspiration lui vint :

« Procurez-vous des vivres, dit-il, j’espère aboutir. »

Et, pour se donner raison à lui-même, ne voulant rien conclure du silence des mineurs enfermés plus loin, il tenta de continuer sa route en se traînant sous le plateau rocheux.

Il comprit bientôt pourquoi, d’un côté à l’autre, on ne s’entendait point parler. Le ro-