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proclamant la guerre sainte. Les hommes, entraînés par une force à laquelle ils n’essayaient plus de résister, se pressèrent à la koubba de Sidi Mohammed ben Slimane, père de Sidi Cheikh, et là, sur les cendres vénérées, jurèrent de marcher contre l’infidèle, d’exposer leur vie pour la cause sacrée.

« Après quoi Bou Amama les conduisit à El Abiod ; il allait, lui, Mohammed bel Arbi, l’infime serviteur de Dieu, recueillir auprès du tombeau du grand ancêtre le pouvoir surnaturel qui lui permettrait de reprendre Géryville d’abord, tout le pays arabe ensuite.

« L’insurrection de 1881 était commencée. (8 mai).

« Presque aussitôt une colonne partit pour disperser les contingents de l’agitateur. Malgré un combat livré à Chellala, elle ne put arrêter leur marche.

« Bou Amama vint tourner dans la direction de Géryville. Il trouva du secours chez certaines de nos tribus ; il en razzia d’autres ; il assassina un petit nombre de braves gens, tels que ce brigadier télégraphiste du nom de Brincard, qui, surpris pendant qu’il réparait la ligne, fut tué avec son escorte. Mais il n’osa rien contre le poste lui-même.

« Il gagna ensuite Méchéria, songeant à pousser une pointe hardie vers le nord.

« En même temps, il faisait des propositions à Si Kaddour, cherchant à l’entraîner avec lui. Mais, prudemment, le chef des Oulad Sidi Cheikh Cheraga refusa l’association : son intérêt n’était point de soutenir, de sa vieille et solide influence, cette influence rivale, nouvelle encore et chancelante.

« Qu’importait à Bou Amama ? Réduit à ses propres forces, il avait fait déjà de grandes choses ; à coup sûr Dieu ne l’abandonnerait point par la suite. Et il remonta seul au delà du Kreider. Pendant cette pointe sur Saïda, les Européens de Kralfallah et de Tafarouah, stations alors extrêmes de la Compagnie franco-algérienne, où se trouvaient des chantiers d’alfa, furent massacrés. On attribua ces actes de sauvagerie au chef de l’insurrection. Il est probable qu’il n’y fut pour rien. Les vrais coupables furent sans doute les indigènes du pays, qui, soit pour piller, soit pour se venger d’exactions dont ils auraient été antérieurement les victimes, firent le sac des chantiers.

« Bientôt poursuivi, combattu, mis en déroute, pourchassé, il se vit obligé de revenir en arrière assez rapidement (juillet 1881). Et ce fut la fin de ses triomphes.

« À son tour, il chercha au Maroc un asile, que nos colonnes violèrent, le poursuivant jusqu’à 140 kilomètres au sud de Figuig.

« En 1882, il fit encore parler de lui. C’est lui, prétend on, qui attaqua vigoureusement et ramena une mission topographique conduite par le capitaine de Castries, sur le chott Tigri, au Maroc.

« Abandonné ensuite par la plupart de ses fidèles, il se réfugia dans l’oasis de Deldoul, au Gourara.

« Il revint à Figuig lors de la création des forts sahariens par lesquels il se croyait menacé. Il en est reparti au commencement de 1902, lorsque la Commission de délimitation franco-marocaine entreprit ses travaux. Mais il ne s’en est pas éloigné beaucoup. Son influence, à présent bien amoindrie, on prétend qu’il la met plutôt à notre service qu’il ne s’en sert contre nous. Bien des méfaits lui ont été reprochés, ces derniers temps, où il ne fut pour rien probablement. Tout récemment encore, il faisait rendre par une bande de brigands — toujours ces gens du Zegdou, dont j’ai eu déjà, plusieurs fois, l’occasion de te parler — des chameaux qu’ils avaient volés à nos gens de l’Extrême-Sud.

« Et je ne crois pas que, malgré ce qu’ont pu dire de lui les journaux récemment, il ait joué un rôle sérieux dans les derniers événements du Sud oranais.

« Je penserais plutôt, avec certains officiers