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BOURSES DE VOYAGE

installation parut la satisfaire de tous points. Et quels compliments accueillirent M. Horatio Patterson, lorsqu’il montra le terrible serpent disposé dans une attitude effrayante autour du mât d’artimon.

« Quoi ! s’écria Mrs Kethlen Seymour, c’est vous, monsieur Patterson, qui avez tué cet horrible monstre ?…

— Moi-même, repondit M. Patterson, et, s’il est encore si terrible d’aspect après sa mort, vous jugez de ce qu’il devait être pendant sa vie, lorsqu’il dardait sur moi sa langue de trigonocéphale ! »

Et, si Tony Renault ne se tordit pas à cette répartie, c’est que Louis Clodion le pinça jusqu’au sang.

« Il paraît, d’ailleurs, aussi vivant que lorsque je l’ai tué !… déclara M. Patterson.

— Tout autant ! » répondit Tony Renault, que son camarade ne put retenir cette fois.

Revenue sur la dunette, Mrs Kethlen Seymour, rejoignant Harry Markel, lui dit :

« C’est demain que vous prendrez la mer, capitaine Paxton ?…

— Demain, madame, et dès le lever du soleil.

— Eh bien, j’ai une demande à vous faire… Il s’agit d’un jeune homme de vingt-cinq ans, le fils de l’une de mes femmes, un brave garçon, qui va retourner en Angleterre pour occuper les fonctions de second maître sur un bâtiment de commerce… Je vous serais très obligée de lui donner passage à bord de l’Alert.

Que cette demande convînt ou non à Harry Markel, il était évident qu’il ne pouvait refuser, puisque le navire naviguait au compte de Mrs Kethlen Seymour. Il se borna donc à répondre :

« Que ce jeune homme vienne à bord, madame, il y sera bien reçu. »

Mrs Kethlen Seymour renouvela ses remerciements au capitaine. Puis elle lui recommanda, pour la traversée de retour, M. Patterson et les jeunes passagers dont elle avait la responsabilité vis-à-vis de leurs familles.

Et alors, — point essentiel pour Harry Markel, en vue duquel ses compagnons et lui s’étaient exposés à de si graves dangers, — Mrs Kethlen Seymour annonça que, le jour même, M. Patterson et les boursiers recevraient la prime de sept cents livres promise à chacun.

M. Patterson, très sincèrement, observa que ce serait abuser de la générosité de la châtelaine de Nording-House. Roger Hinsdale, Louis Clodion, d’autres se joignirent à lui. Mrs Kethlen Seymour ayant déclaré qu’un refus la désobligerait, il n’y eut pas lieu d’insister, à l’extrême satisfaction de John Carpenter et de tout l’équipage.

Puis, après un amical adieu au capitaine, après des souhaits de bon voyage, la visiteuse et ses hôtes prirent place dans le canot, qui les reconduisit au quai, d’où les voitures les ramenèrent au château pour y passer cette dernière journée.

Et lorsque tous eurent quitté le bord :

« Ça y est !… s’écria Corty.

— Mille et mille diables !… ajouta John Carpenter. J’ai vu le moment où ces imbéciles allaient refuser de toucher leur prime !… C’eût été bien la peine d’avoir risqué sa tête pour s’en retourner la poche vide ! »

Enfin, les passagers ne reviendraient pas sans rapporter la somme qui devait doubler les bénéfices de l’affaire.

« Et ce marin ?… dit alors Corty.

— Bon !… répondit le maître d’équipage. Un de plus… ce n’est pas cela qui nous embarrassera, j’imagine…

— Non, répliqua Corty, et je me charge de lui ! »

Ce soir-là, un grand dîner réunit à Nording-House les notables de la colonie et les hôtes de Mrs Kethlen Seymour. Le repas achevé, de nouveaux adieux furent échangés, et les passagers de l’Alert revinrent à bord. Chacun d’eux avait reçu en guinées, renfermées dans