Page:Hetzel - Verne - Magasin d’Éducation et de Récréation, 1903, tomes 17 et 18.djvu/543

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gna, outre le Koran, les pratiques et les prières spéciales de son ordre. On le remarqua dès lors pour son observance rigoureuse et publique des règles de la confrérie. De là l’origine du prestige qu’il acquit par la suite.

« Il sut l’augmenter par divers procédés qui lui réussirent au delà de ce qu’il pouvait espérer.

« Ainsi, grâce à une troupe de jongleurs nomades, qui séjourna un assez long temps au village, et dont il sut se faire apprécier, il apprit certains tours d’escamotage qui agirent puissamment sur les cerveaux primitifs de ses concitoyens. Mais sa réputation s’élargit surtout lorsqu’il se fit passer pour fou.

moghar tahtani (Cliché du Dr Peich.)

« Les insensés, en effet, sont considérés par les indigènes comme des gens particulièrement favorisés des grâces de Dieu. Aussi nul n’est respecté par eux au même degré que le « maboul ». Mohammed se donna ainsi le renom d’un saint homme, si bien qu’à la mort du mokaddem qui l’avait recueilli, il prit sa place, avec l’approbation de tous. C’est alors que, se voyant arrivé, malgré sa jeunesse, à une popularité sérieuse, il sentit son ambition grandir.

« Le champ d’expériences qu’il ensemençait lui sembla indigne de sa fortune. Il en chercha un plus vaste et crut le trouver dans notre Sud oranais, où le calme n’était pas encore entièrement revenu depuis l’insurrection de 1864, bien que cependant les chefs des Oulad Sidi Cheikh Cheraga, battus, se fussent réfugiés au Maroc.

« Il s’en fut donc habiter Moghar et tout d’abord releva de ses ruines la zaouïa qu’y avait fondée l’ancêtre Sidi Cheikh. Quelques clients seulement en apprirent d’abord le chemin. Leur nombre augmenta rapidement dès que Bou Amama eut fait connaître que Sidi Cheikh daignait lui apparaître assez souvent la nuit parce qu’il l’avait choisi pour réformer son ordre. Son succès alors dépassa ses espérances. Il en profita pour commencer à travailler nos tribus de Trafis, au moyen de ses envoyés particuliers ou mokaddem. On eut