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MONOGRAPHIES VÉGÉTALES

Maintenant ils sont partis. Dans quelques heures le train les aura déposés à Bristol. Demain ils traverseront le canal de Saint-Georges que M. Horatio Patterson a qualifié d’ingens æquor… Bon voyage aux lauréats du concours d’Antilian School !

Jules Verne.

(La suite prochainement.)


MONOGRAPHIES VÉGÉTALES[1]

LES PLANTES CÉLÈBRES OU LÉGENDAIRES

Avant d’arriver aux détails, jetons un coup d’œil d’ensemble sur la grande nature. Caractérisons, dans un résumé rapide, les flores diverses dont se pare le monde végétal et qui, des pôles à l’équateur, étalent aux regards des voyageurs l’opulence de leurs formes, de leurs couleurs, en même temps que les particularités distinctives de leur originalité.

Quelques auteurs ont essayé, non sans raison, d’établir une sorte de parallélisme entre le tapis végétal qu’ils appellent un « thermomètre géographique vivant » et la répartition des températures diverses à la surface de notre globe, le pôle et l’équateur constituant naturellement les deux points extrêmes de cette échelle graduée de la chaleur, c’est-à-dire de la vie, car les deux sont étroitement solidaires. Sous l’équateur, cette vie se manifeste par une exubérance extraordinaire. Là, tout est gigantesque, tiges, feuilles et fleurs, où ces dernières déroulent les gammes de leurs intenses colorations.

Au pôle, en revanche, la plante se rapetisse jusqu’à ce que les botanistes appellent la forme naine et c’est d’un vert, sombre comme la nuit des régions polaires, que se teintent les feuilles de texture épaisse, dure et coriace.

Toutefois, comme tout est étrange dans ces confins glacés du globe, il arrive que, sous le crépuscule du soleil de minuit et des aurores boréales, jaillit inopinément un luxe inattendu de tonalités anormales que provoque la lumière pâle, mais électrique et permanente du disque solaire qui, pendant des semaines et des mois, demeure visible au-dessus de l’horizon. C’est ainsi que les graminées et autres végétaux minuscules, sous l’influence de ces lueurs persistantes, se teintent d’un vert intense, tandis que des centaines de fleurs émergées de la neige la constellent de leurs corolles éclatantes.

Dans nos études précédentes, nous avons parlé des forêts vierges si grandioses, des plaines verdoyantes, des déserts calcinés, des steppes tantôt fauves et mornes, sous l’ardeur des rayons d’un soleil tropical, tantôt exubérants de vitalité renaissante, quand reviennent les pluies périodiques. Laissons donc de côté les flores terrestres, pour nous occuper un instant de la flore marine.

Cette flore merveilleuse ne le cède en rien à aucune de celles dont se parent les continents et se fait remarquer en outre par les plus singulières particularités.

Un curieux fait de géographie botanique, qu’on ne saurait signaler sans y attacher une certaine importance, c’est la relation bien constatée qui existe entre la dimension des algues d’eau salée et la grandeur des mers qu’elles habitent. Ainsi dans la Méditerranée, rien que des ulves, des caulerpes et des céramies ; dans l’océan Atlantique, des fucacées-sargasses ; dans l’océan Arctique, de longues laminaires : dans l’océan Antarctique, enfin, le plus vaste du globe, les algues démesurées, celles qu’on a comparées à des arbres marins,

  1. Voir les nos 137 et suivants.