Ce fut la pensée qui s’imposa à tous. Pas un des naufragés ne l’exprima tout haut, et le plus fruste des matelots affecta de croire à la venue du navire libérateur.
« Monsieur Wilson, dit le commandant, vous aurez l’obligeance de procéder à l’inventaire des vivres, car il sera peut-être sage de nous rationner, afin de pouvoir attendre le plus longtemps possible.
— Ce sera fait dès demain matin.
— Nous ferons bien, je crois, de porter à la masse commune, pour les diviser également entre nous, les approvisionnements de l’équipage et ceux de l’arrière. Vous êtes bien de cet avis, messieurs ?
— Sans aucun doute, répondirent les Français.
— Quant aux autres mesures à prendre, je ne sais trop…
— Ne pourrait-on, suggéra Henri, allumer et entretenir un feu de varech et de goémons scellés sur le haut de la falaise, afin de signaler notre présence ?
— Certainement, l’idée est bonne. Mais je crois qu’il est trop tard ce soir pour y songer…
— En effet, les hommes doivent tomber de sommeil comme nous et l’ordre de se coucher sera certainement le mieux accueilli de tous, en ce moment.
— Je suis de cet avis. Monsieur Wilson, faites coucher tout le monde ! À demain les affaires sérieuses. »
Touchant sa casquette, le lieutenant porta son sifflet d’argent à ses lèvres et modula la note chère aux matelots : All hands below[1].
Encore qu’il n’y eût ni entrepont, ni hamacs, les quatre hommes ne se le firent pas répéter, non plus que le petit Djaldi, pour se rendre en bon ordre à la partie de la caverne qui leur avait été assignée, et où, allongés côte à côte, ils furent bientôt endormis.
Les chefs ne tardèrent pas à suivre cet exemple ; et, quelques minutes plus tard, Français et Anglais, oubliant leur triste situation, étaient plongés dans un sommeil réparateur.
(La suite prochainement.) André Laurie.
- ↑ Tout le monde en bas.