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KSOUR ET OASIS[1]

CHEVAUCHÉES D’UN FUTUR SAINT-CYRIEN À TRAVERS LE SUD-ORANAIS

VII

El Kheroua-Benoud. Combats singuliers à la façon d’Homère.


23 novembre. — Départ avec la compagnie montée. Journée peu variée. Ces messieurs causaient entre eux, discutaient des questions que j’ignorais. Aussi la plus grande partie de la marche se passa-t-elle pour moi à chasser.

Le soir nous arrivions à El Kheroua.

Ce fut autrefois un Ksar habité par ces légendaires Beni-Amer, dont les traditions sahariennes racontent à Uenvi la richesse et l’antique puissance. Quelques palmiers abandonnés, quelques ruines, c’est tout ce qui reste de cette splendeur morte.

En un clin d’œil le camp est établi, les mulets sont groupés par « secteurs > au centre du carré des tentes.

Rien de plus amusant que de regarder alors les diverses occupations des légionnaires.

Les uns dessellent, bouchonnent, font boire leurs « bêtes » dans un « ghedir » voisin ; les autres vont arracher du « drinn » dans les dunes, pour fournir à ces mêmes « animaux » un supplément de fourrage ; ceux-ci installent les cuisines, tandis que ceux-là vont chercher du bois dans le lit de l’oued.

Bientôt les mulets savourent l’orge emplissant les musettes dans lesquelles leur tête disparaît : les feux s’allument ; par tout le camp flotte une appétissante odeur d’oignon brûlé, puis de ragoût de mouton.

Lorsque, l’heure du dîner venue, je longeai par curiosité les réunions de soldats mangeant, je ressentis l’impression d’une véritable Babel où toutes les langues se parlaient. Je ne sais si tous les métiers connus s’y trouvaient également représentés ; pour celui des cuisiniers, j’en suis sûr ; je n’ai qu’à me rappeler l’excellent dîner que je fis ce soir-là.

24 novembre. — À une heure et demie de marche d’El Kheroua, la jonction des Ouad Ben Scmghoun et Gouleïta est chose faite. Plus loin, à soixante-quinze kilomètres environ d’El Abiod, l’oued Gharbi, contournant les pointes extrêmes du Tismert, dessine, vers l’Est, une brusque pointe de deux lieues et demie, puis s’infléchit de nouveau à l’ouest pour reprendre presque tout de suite la direction Nord-Sud.

À l’entrée de cette courbe se serre un groupe de puits très important : Oglat Djedida[2] ; d’autres encore s’échelonnent jusqu’à Benoud, petite oasis dressée dans la partie nord de la boucle de l’oued.

Benoud, trois Ksour à peu près détruits ; dont deux tout près de la rivière et le troisième plus élevé, plus éloigné aussi, sur un plateau du Tismert.

Encore un vestige des Beni-Amer.

Seules quelques maisons restent à peu près habitables, dans le village le plus rapproché de ce millier de palmiers, abri de quelques pauvres gens qui s’y occupent de la culture des dattes.

Benoud fut, à diverses reprises, un point d’attache pour la smala du chef des oulad Sidi Cheikh Cheraga. Dangereux voisinage qui lui valut plus d’une visite de nos colonnes.

La première en date remonte à 1865.

Après la mort du bachagha Si Slimane à Aïn-Bou Beker (1864), son frère et successeur Si Mohammed, rejeté dans le Sud, était venu se réfugier à Benoud, gardé, du côté de l’ouest

  1. Voir les nos 180 et suivants.
  2. Oglat Djedida, réunion des « puits neufs ».