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« Mon mari ayant emporté Froufrou dans son bureau, nous n’y pensions plus. On annonce le général D…

« J’étais d’autant plus flattée de cette visite que le général ne se prodigue pas. Je m’empresse, et, je dois en convenir, tes deux gamins sont, à l’entrée du général, tout à fait corrects. Même, ils lui font le salut militaire, ce qui l’amuse beaucoup. Mais, dès qu’il est assis, les voilà qui se rapprochent. Cet uniforme leur tirait l’œil. Charmé de l’admiration qu’ils manifestent, le général a la malencontreuse idée de les prendre tous les deux sur ses genoux. Une fois à cheval, ils le passent en revue : ce sont les passementeries de sa manche et de son collet, c’est sa rangée de décorations, ce sont ses immenses moustaches : ils s’extasient.

« Tout à coup, en levant les yeux, Pompon remarque le crâne absolument nu du général : un ivoire poli.

« Il le considère longuement avec une petite mine apitoyée, dont j’eus l’imprudence de ne pas me méfier.

« Et il finit par lui demander, en lui caressant le sommet de la tête :

« — Ça vous a fait bien mal quand on vous a arracé les ceveux ? »

« J’aurais voulu être aux antipodes !

« Le général, qui aime autant parler d’autre chose, n’a pas l’air d’entendre, et fait mine de remettre les enfants à terre.

« Ah, bien oui ! Pompon se cramponne :

« — Attendez », fait-il.

« Il plonge ses deux mains dans ses poches, dont je n’avais pas remarqué la rondeur, en ramène… les « plumes » fauves de Froufrou, et dit au général en les lui présentant :

« — Ça vous faira tout plein de ceveux. Vous serez bien zoli avec. Vous êtes dèzà beau ! Faudra les faire coller… »

« Le général, qui est un homme d’esprit, a pris le parti de rire : mes visiteurs n’attendaient que ce signal pour en faire autant.

« Je ne riais pas, moi, car je devinais le général fort agacé. Qu’est-ce que Lilou et Pompon nous réservent pour demain ?

« Ne t’éternise pas auprès de grand’mère, mon ami, ou je ne réponds point de garder mes neveux jusqu’à ton retour. »