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— Qu’ont-ils bien pu faire ? s’écria Clairette, riant d’avance, tant elle était certaine que les sottises des bambins ne pouvaient manquer d’être drôles par quelque côté.

— Vous allez l’apprendre, ce qu’ils ont fait, vos chers neveux, ma cousine. »

Et il lut :

« Mon pauvre ami, je suis navrée d’avoir assumé la responsabilité de garder tes enfants.

« Ce doit être moi qui ne m’y entends pas, puisque Mme  Murcy, que je vois tous les jours, — j’accompagne Guyonne de Taugdal, dont M. Murcy fait le portrait — Mme  Murcy prétend que Lilou et Pompon sont remarquablement intelligents et dociles.

— Oh ! dociles ! interrompit Claire, dans mon genre.

— À peu près », opina de Kosen.

Et il poursuivit, lisant :

« J’ai envie de passer tes fils à cette aimable jeune femme, d’autant plus qu’elle s’est offerte à les recevoir, après avoir entendu le récit de leurs méfaits. Il se pourrait que tu les retrouvasses chez ton ami Yucca. Je ne m’étendrai point sur les dégâts commis les premiers jours dans la pièce qu’ils occupent : pendule retournée sens dessus dessous, afin de découvrir par quel procédé elle sonne ; rideaux transformés en câbles à la suite d’un exercice où Lilou surtout excelle, et qui consiste à tourner avec le rideau jusqu’à ce qu’il se soit tordu assez pour revenir sur lui-même, emportant dans ce mouvement de rotation à rebours le jeune acrobate cramponné à lui ; vitres brisées, sièges transformés en coursiers et le reste. Tout cela n’est que vétilles. Mais écoute ceci :

« Mon cher mari, pas beaucoup plus raisonnable que tes diables à quatre, les amène avant-hier au salon. Il joue un moment au cheval, puis, quelqu’un l’ayant fait demander pour une affaire de service, il passe dans son bureau, oubliant ses neveux. Ceux-ci ne s’imaginent-ils pas d’orner les portes de dessins à l’encre ! Quand j’entre à mon tour au salon, une heure plus tard, je vois les deux artistes s’escrimant à couvrir les panneaux de bonshommes !

« J’interromps les travaux, comme tu peux le penser, et je leur demande ce qui leur a pris de barbouiller ainsi mes portes : « C’est « pour les rendre mieux belles », répliqua Lilou. Et Pompon d’ajouter : « Les dames voiront comme nous peindons bien ; Tonton, il a dit que c’est « auzord’hui » qu’elles viendent. » J’hésite devant la manière d’orthographier leurs mots ; mais je tiens à les transcrire tels quels, ne fût-ce que pour te prouver le néant de mes efforts. Je n’entends rien aux enfants, décidément. C’était en effet mon jour ; Pompon avait parfaitement compris. Guyonne arrive de bonne heure, à son habitude. Elle était accompagnée de sa petite chienne Froufrou, un ravissant animal gros comme un chat de deux mois, à très longs poils : un bijou. Sa maîtresse l’a depuis quatre ans et y tenait, — tu vas apprendre pourquoi je parle au passé, — comme à ses yeux.

« À peine assise, Guyonne réclame tes enfants ; elle en raffole : une vraie passion !

« Je lui conte leur sottise, dont les traces demeuraient visibles, au reste, malgré les lavages au citron et au lait, et j’ajoute que je les ai mis aux arrêts dans la salle à manger. Elle implore leur grâce, je refuse, jugeant la faute trop récente. Elle demande alors à aller les embrasser : j’y consens. Ils disent bonjour d’une façon assez aimable, reçoivent de même les friandises dont leur grande amie s’était munie pour eux ; elle les sermonne, leur promet à l’oreille je ne sais quoi ; de venir bientôt les chercher, sans doute… Puis, deux coups de timbre m’annonçant d’autres visites, je retourne avec Guyonne au salon. Nous n’avions pas pris garde que Froufrou était restée auprès des enfants.

« Une heure s’écoule. Après des rires, des cris assourdissants, un galop effréné, ils