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les débris de l’aviateur, recueillis et emmagasinés avec soin, seraient apportés devant le conseil, et ils auraient à justifier de l’emploi de cet engin, aussi bien que de leur présence dans la zone d’action des forces anglaises.

Toutes ces choses étaient écrites sur un grand papier, signées Horace Marston, commandant le Silure, sous-marin de Sa Majesté, et contre-signées Charles Wilson, le lecteur même de l’arrêt.

« Nous voilà frais ! fit Gérard quand le lieutenant Wilson eut déguerpi. Comment allons-nous nous tirer de là ? Que proposes-tu, Henri ?

— Moi ? dit le jeune ingénieur accablé. Que veux-tu que je propose, sinon de supporter en hommes la ruine de toutes nos espérances ?

— Non ! Non ! Henri, mon enfant, ne parlez pas ainsi, fit le bon Wéber tout apitoyé. Tant qu’il y a vie, il y a espoir !… Allez, nous nous tirerons de là comme de tant d’autres mauvaises passes…

— Combien peuvent-ils bien être sur ce bateau ? ruminait Gérard. Six, huit, tout au plus… Je sais qu’on les monte aussi légèrement que possible… Nous sommes quatre, et avec de la résolution…

— Que faut-il faire, m’sieur Gérard ? demanda Le Guen promptement. Faut-il leur tomber dessus ?… Dites le mot, et je ne fais qu’une bouchée de ce rouquin de malheur qui nous appelle mangeurs de grenouilles… Je m’en moque un peu de leurs arrêts, moi ! Et après lui, cet enflé de commandant ! Et après lui, ce gringalet de second ! Je les mange tous, Dites un mot, m’sieur Gérard.

— Tout doux ! fit Gérard attentif. Ne va pas si vite… et ne parle pas si fort ! On frappe à la porte : Entrez ! »

C’était le « rouquin » lui-même qui se présentait, porteur d’un plateau chargé de victuailles. Il se mit en devoir de les disposer prestement sur la table, aidé du petit Hindou, qui semblait décidément lui servir d’auxiliaire et de souffre-douleur : car maintenant, comme tout à l’heure, chaque commandement, chaque indication avait pour accompagnement obligé une gifle ou un coup de pied — ce qui ne tarda guère à exaspérer Gérard.

« As-tu fini de maltraiter cet enfant, grande brute ?… N’as-tu pas honte de taper sur ce moucheron ? Que cela ne recommence pas,