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lerai grand’mère et je ferai son portrait ; il y a longtemps que j’y pense ; il n’existe d’elle aucune photographie : rien ! »

Lorsque de Kosen fut parti, revenu auprès de sa femme, Yucca murmura, l’air désappointé :

« Qu’en dis-tu ?

— Que Claire compte à peine dans ses projets, c’est sa grand’mère qui l’occupe à peu près uniquement. Si Mlle de Taugdal possède le quart des qualités que lui prête Mme de Ludan…

— Oui… Hervé s’en contentera ; au reste, ce serait déjà joli ! Tant pis ! soupira-t-il. S’il doit enfin rencontrer le bonheur dans ce mariage, nous ne pouvons qu’en souhaiter la réussite.

— C’est certain », répondit Thérèse.


P. Perrault.

(La suite prochainement.)

KSOUR ET OASIS[1]

CHEVAUCHÉES D’UN FUTUR SAINT-CYRIEN À TRAVERS LE SUD-ORANAIS

VI

Chasse aux gazelles.


Fait, après dîner, la connaissance d’un caïd des Trafis, venu à El Abiod pour mettre en route les caravanes de la tribu des Oulad Abd-el-Krimm[2].

Bien qu’âgé d’une quarantaine d’années au moins, Slimane a conservé dans sa physionomie une grande expression de jeunesse. Lorsqu’il sourit, dans ses yeux brille une douceur singulière.

Il ne parle pas le français ; cependant il est un de nos très bons serviteurs, témoin la croix attachée sur le côté gauche de son burnous et qu’il a conquise dans de récents « balayages » du Sahara. Il paraît beaucoup moins savant que son fils, un brigadier de spahis, qui suivit pendant quelque temps les cours du lycée d’Alger.

Cavalier tout à fait remarquable, Slimane a, paraît-il, battu dernièrement, à Géryville, ses confrères dans plusieurs courses. Et savez-vous avec quel cheval ? Une vieille rosse boiteuse ! Mais il connaissait le moyen de lui donner des ailes.

« Le caïd demande s’il vous plairait qu’il organise une chasse aux gazelles pour demain ; que dois-je lui répondre ?

— Oui ! bien entendu, à moins que cela ne vous déplaise, cher monsieur. »

22 novembre. — Au lever du jour, Slimane attend devant notre porte avec une quinzaine de cavaliers de sa tribu, — des rabatteurs. — Il monte, non pas son habituel cheval noir, mais une jument grise superbe.

Nous partons dans la direction du sud.

Longeant la chaîne du Djebel Tismert, nous suivons la vallée de cet oued Gouleïta, dit aussi oued el Biod, qui devient l’oued Gharbi, vers Benoud, après sa jonction avec l’oued Bou Semghoun.

Benoud est cette petite oasis auprès de laquelle mourut Si Kaddour. Je voudrais bien descendre jusque-là, je l’avoue ; mais je n’ai pas encore osé le demander à M. Naimon.

J’ai peur de lui paraître terriblement indiscret. Ah ! si une occasion s’offrait !… Enfin, n’y pensons pas.

Nous avançons, groupés, dans l’alfa retrouvé ici. Des lièvres déboulent, que nous méprisons, bien entendu : quand on chasse la gazelle !… — Oh ! la jolie fable que celle du

  1. Voir les nos 180 et suivants.
  2. Oulad Abd el Krimm. — Les fils du serviteur du généreux, c’est-à-dire de Dieu, dont la générosité est un des attributs. « Abd » est le singulier d’Abid, serviteur, esclave.