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telle ardeur immodérée, que ses contemporains le surnommèrent doctor opiatus. Le médecin anglais Sydenham, pour sa part, aurait pu revendiquer une appellation semblable. N’est-ce pas lui qui déclara, un jour, que s’il lui était défendu d’employer l’opium comme médicament, il renoncerait immédiatement à l’exercice de l’art médical ?

L’opium est une substance dure, de couleur brune, de saveur âcre et amère. Il est considéré comme un calmant d’une grande efficacité, en ce sens qu’il atténue l’excitation du système nerveux, grâce aux divers alcalis qu’il renferme, tels que la morphine, la codéine, la nicotine, la méconine, combinées avec une proportion variable d’acide sulfurique.

Tous les infortunés affligés de douleurs névralgiques connaissent, par expérience, la préparation opiacée appelée laudanum, dont l’emploi s’est généralisé, mais dont l’abus devient si rapidement néfaste. Il existe deux variétés de ce narcotique : l’une s’appelle le laudanum de Rousseau (où entrent en proportions déterminées de l’opium, du miel, de la levure de bière et de l’alcool) ; l’autre, moins énergique, est connue sous le nom de laudanum de Sydenham (composé d’opium, de safran, de cannelle et de girofle macérés dans du vin de Malaga). L’un et l’autre ne doivent être employés que par gouttes, que quelques gouttes (de 5 à 10 au maximum) dont le nombre est proportionnel à l’intensité de l’excitation nerveuse.

fumeurs d’opium en chine.

L’excès habituel de l’opium a pour conséquence les désordres les plus effrayants, car il ne tarde pas à produire, chez ceux qui s’en rendent coupables, une dégradation continue qui les mène à l’abrutissement et à une mort inévitable. L’usage immodéré qu’en font les Turcs et les Chinois les plonge, tout d’abord, dans un état de stupeur qu’aggravent les quantités croissantes du narcotique qu’ils consomment. Ces abus compromettent à un tel point la santé publique et les destinées de tout un peuple, que le gouvernement de la Chine s’est vu contraint de les combattre par les mesures les plus sévères… mais qui peut-être demeureront inefficaces.

Jetez un coup d’œil sur le portrait lamentable que nous font du fumeur d’opium les physiologistes les mieux renseignés.

Le fumeur d’opium a la figure d’une pâleur maladive. Ses yeux sont caves et son regard n’a d’autre expression que celle que lui donne une sorte d’idiotie hilarante. Sa parole est embarrassée. Son corps et ses membres grêles s’affaiblissent à ce point que sa démarche devient lente, incertaine, à moins que ne la rendent parfois saccadée des mouvements spasmodiques.

Il passe, dans le cours de sa triste existence, par trois périodes bien distinctes : la première, essentiellement passagère, est la période d’initiation que caractérisent des céphalalgies, des vertiges, de vives douleurs épigastriques, des défaillances et des syncopes. L’organisme lutte contre le narcotique, toutefois la lutte est de courte durée.

Dans la seconde période surgissent quelques phénomènes morbides, entremêlés de