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JULES VERNE

Saint--, que la Suède venait de céder à la France, les Saintes, qui relèvent de l’arrondissement de Basse-Terre, ville principale de l’île de ce nom, la Désirade, qui dépend de l’arrondissement de Pointe-à-Pitre, Marie-Galante, le chef-lieu du troisième arrondissement.

Ce département colonial est représenté au conseil général par trente-six conseillers, et au parlement par un sénateur et deux députés. Son commerce présente un chiffre d’exportation de cinquante millions et un chiffre d’importation de trente-sept millions, — commerce qui se fait presque en totalité avec la France.

Quant au budget local, — cinq millions de francs, — il est alimenté par les droits à la sortie des denrées coloniales et un impôt qui frappe la consommation des spiritueux.

L’oncle de Louis Clodion, frère de sa mère, M. Henry Barrand, était un des riches et influents planteurs de la Guadeloupe. Il habitait la Pointe-à-Pitre et possédait de vastes propriétés aux environs de la ville. Sa fortune, son entregent, son caractère très communicatif, sa personnalité très sympathique, son originalité amusante, sa bonne humeur habituelle, lui faisaient des amis de tous ceux qui l’approchaient. Âgé de quarante-six ans, grand chasseur, grand amateur de sport, il parcourait à cheval ses vastes plantations, aimant la bonne chère, vrai gentilhomme campagnard, si cette qualification peut être appliquée à un colon des Antilles, et, brochant sur le tout, célibataire, oncle à héritage, oncle d’Amérique, sur lequel ses neveux et nièces devaient compter.

On devine avec quelle joie, avec quelle émotion même, il serra Louis Clodion dans ses bras dès l’arrivée de l’Alert.

« Sois le bienvenu, mon cher Louis, s’écria-t-il, et quel bonheur de te revoir après cinq ans d’absence !… Si je ne suis pas changé autant que toi, si je ne suis pas devenu un vieillard, tandis que tu devenais un jeune homme, ça va bien !…

— Mon oncle, affirma Louis Clodion en l’entraînant, vous êtes toujours le même !

— Alors c’est parfait ! reprit M. Barrand, qui se retourna vers les passagers réunis sur la dunette. Soyez les bienvenus, vous aussi, jeunes camarades de mon neveu, et tenez pour certain que la colonie éprouve grande satisfaction à recevoir les pensionnaires d’Antilian School ! »

Puis l’excellent homme pressa toutes les mains qui lui furent tendues, et, revenant à Louis :

« Le père, la mère, les enfants, tout le monde va bien là-bas… à Nantes ?…

— Tout le monde, mon oncle, mais c’est peut-être à vous qu’il faut demander de leurs nouvelles…

— En effet, j’ai reçu une lettre de ma sœur avant-hier… La smala est en excellente santé !… Et l’on me recommande de bien te recevoir !… La bonne recommandation de cette chère sœur !… J’irai la voir l’hiver prochain, elle et sa maisonnée…

— Ah ! que vous nous ferez plaisir, mon oncle, car, à cette époque, mes études seront finies et je serai sans doute à Nantes…

— À moins que tu ne sois ici, mon neveu, pour partager mon existence !… J’ai des idées là-dessus… On verra plus tard ! »

À ce moment s’avança M. Patterson, qui s’inclina cérémonieusement devant M. Barrand, et dit :

« Vous me permettez, monsieur, de vous présenter mes chers pensionnaires…

— Eh ! s’écria le planteur, c’est… ce doit être M. Patterson… Comment ça va-t-il, monsieur Patterson ?…

— Aussi bien que possible, après une traversée qui n’a pas laissé d’être quelque peu tangante et roulante…

— Je vous connais, allez, interrompit M. Barrand, comme je connais tous ces élèves d’An-