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— On a retrouvé des empreintes de toutes les plantes qu’a citées Murcy dans les couches des terrains les plus anciens, oui, Clairette : dans les arkoses de Brives, dans les marnes et les gypses d’Espaly, dans les calcaires de Ronzon. Puisque cela vous intéresse, sachez qu’en ces temps primitifs les crocodiles habitaient nos cours d’eau, ainsi que les tortues et que les flamants, — les œufs et les plumes recueillis en font foi, — cachaient leurs nids dans les roseaux des bords. Oui… mais plus tard, tout change, le climat se modifie jusqu’à permettre au renne de s’acclimater : nous voici loin des mimosas… »

P. Perrault.

(La suite prochainement.)

LE LIÈVRE ET LE HÉRISSON

La fable, par nature, cache toujours un homme dans une bête.
Taine.

Par une belle matinée de juillet, un Hérisson, le museau à l’entrée de sa demeure de feuilles sèches, inspectait la campagne.

Le soleil montait lentement dans le ciel violacé, inondant la plaine de sa lumière d’or. Une brise attiédie agitait d’un souffle léger les tiges fleuries d’un champ de blé noir, où bourdonnait toute une nuée d’abeilles. Du haut des nues tombait le chant de l’alouette. De temps à autre quelque paysan passait, un outil sur l’épaule, allant au travail d’un pas sûr et tranquille. Tout était joie, vie et mouvement. Le Hérisson était-il sensible au charme de ce spectacle ? Il est permis de le croire. À en juger d’après les apparences, il ressentait une impression de calme et de contentement, et il la témoignait par un petit grognement qui, à la vérité, manquait d’harmonie : chacun sait que le hérisson n’a pas une voix de rossignol.

Tout à coup il lui vint une idée ; car, en ce temps-là, les hérissons avaient des idées et pouvaient les communiquer.

« Allons voir, se dit-il, où en sont les navets qu’un vieux en blouse bleue a semés dernièrement de l’autre côté de la haie. Le moment est peut-être venu d’en prendre ma part en payement de mes services. »

Aussitôt le voilà parti de son pas inégal, se hâtant le long du chemin raboteux, trébuchant aux ornières, jamais lassé pourtant, ni découragé.

Sur le point d’arriver, il rencontra messire le Lièvre en quête de son déjeuner. Très poliment, il lui souhaita le bonjour. Mais le Lièvre, qui affecte volontiers, à l’égard des animaux dont il n’a rien à craindre, les allures hautaines d’un grand seigneur, jeta sur lui un regard de dédain, et, sans répondre à son salut :

« Comment ! comment ! dit-il d’un ton ironique, on court déjà les champs ?

— Je me promène, repartit tranquillement le Hérisson.

— Tu te promènes ? Il me semble que tu aurais un meilleur emploi à faire de tes jambes ! »

S’il est un point sensible à l’amour-propre du Hérisson, c’est précisément ses petites pattes trop courtes et mal faites qui lui rendent la marche si pénible. L’allusion du Lièvre à cette quasi-infirmité le blessa profondément. Une flamme de colère brilla dans son œil noir. Mais, cachant son ressentiment :

« Il est certain, dit-il d’un air bonhomme, que dame nature vous a favorisé et que beaucoup envient la vitesse de vos mouvements et votre légèreté à la course. Peut-être conviendrait-il pourtant de ne rien exagérer et de ne