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de dattes. On les a pris ainsi par la famine, et c’était la seconde raison qui devait nous obliger à conquérir les oasis.

« Une troisième raison provenait de ce fait que les oasis, et surtout le Gourara, servaient de lieu d’asile à d’autres pillards, à des mécontents ou des dissidents sortis de l’Algérie, bandes de malfaiteurs de toutes sortes, qui parfois fondaient sur nos caravanes et même sur les villages de notre extrême-sud pour les rançonner.

« Rien ne nous empêchait d’entreprendre l’occupation ainsi rendue nécessaire. Et pourtant, que de difficultés à vaincre, sans compter notre coutumière apathie pour toute entreprise nouvelle !

« On se contenta d’essayer.

« En 1893, une colonne fut formée à Laghouat dans ce but ; elle y resta.

« En 1895 et 1896, ce furent l’expédition du commandant Godron au Gourara, puis la première mission Flamand. On faillit charger alors de la conquête les Oulad Sidi Cheikh. Le bachagha de Géryville, Si ed Dine, se fit fort, si on voulait l’appuyer par une toute petite colonne, de traverser Gourara, Touat et Tidikelt sans perdre un homme. Il passa même la mer pour aller exposer son plan au gouvernement. On hésita, puis on refusa.

« Nos atermoiements augmentaient l’audace du sof ou parti antifrançais, qui se réclamait de la protection du sultan de Fez.

« Le temps pressait de plus en plus pour agir.

« Et les gouverneurs de l’Algérie se succédaient, persuadés tous de la nécessité d’une action immédiate. Ils n’obtenaient rien ou presque rien ; un semblant de conquête pacifique ; le prolongement jusqu’à Djenien bou Rezg de la voie ferrée d’Aïn Sefra ; l’espoir d’un autre tronçon poussé un peu plus tard jusqu’à Figuig.

« Une seconde mission Flamand amena enfin tout naturellement ce qu’on ne pouvait plus guère éviter. Chargé de recherches géologiques du côté d’In Salah, au mois de novembre 1899, son escorte — l’escadron de spahis sahariens du capitaine Germain — fut attaquée à Iguesten (28 décembre) par un parti de gens du Tidikelt. Ce combat forcé, heureux dans son issue, lui ouvrit les portes de Ksar el Arab, un des principaux ksour de l’oasis d’In Salah. Il fut suivi peu après d’un second, heureux également, livré à Deramcha (5 janvier 1900) par le même parti, qui s’était reformé.

« Ce fut l’étincelle mise aux poudres ; dès lors, l’occupation des oasis était résolue.

« Une colonne de secours (commandant Baumgarten) rallia la mission le 18 janvier, en attendant l’arrivée prochaine d’une autre, plus forte et munie d’artillerie, commandée par le colonel d’Eu.

« Pendant ce temps, l’ennemi se reformait. Il revint à la charge et, le 19 mars, se fit infliger une sanglante défaite par nos deux colonnes, à In Rhar. Toute la région se soumit, et nos troupes retournèrent à El Golea, se contentant de laisser quelques postes au Tidikelt pendant la saison chaude qui commençait.

« Le Gourara était conquis à la même époque, et sans difficulté, par les colonnes Ménestrel et Letulle, cette dernière venue de Géryville par l’oued Gharbi, qui se forme près d’ici.

« Enfin, plus à l’ouest, une colonne d’observation (colonel Bertrand) partait de Djenien et arrivait à Igli (5 avril) facilement, suivant une direction qui sera sans doute celle de la future ligne Aïn Sefra-Igli.

« Mais ces colonnes rebroussèrent chemin vers l’Algérie ; l’occupation des oasis demeura incomplète, les quelques paquets d’hommes dispersés qu’on y laissa ne pouvant suffire contre de sérieuses attaques.

« En 1901, on dut songer à la relève des postes laissés au printemps précédent.