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Manon se laissa tomber sur le banc de pierre qui courait le long du parapet.

Rien !… Si Yvonnaïk ne rentrait jamais !…

Le temps s’était couvert tout à coup. Des nuages d’un noir d’encre voilaient le ciel. Aucun pêcheur ne se fût avisé de sortir par ce temps. Tous étaient au village, on l’avait dit déjà à Manon, mais elle se refusait à y croire. Yves avait l’habitude de cette côte. Il en connaissait les moindres recoins. M. de Valjacquelein essaya de rassurer sa fille :

« Il n’est pas possible (il dut s’arrêter pour affermir sa voix) qu’Yves… qu’il y ait quelque malheur…

— Hélas ! mon père. Il y a tant d’accidents à redouter… Yvonnaïk est obéissant. Il ne se met jamais en retard. Il sait trop combien je m’inquiète à l’attendre… Personne ne l’a vu là-bas, de toute la journée !

— Où peut-il être ? »

Le chevalier, très anxieux, monta à cheval et interrogea tout le monde dans la campagne, aux environs de Penhoël, et, sous ses ordres, des hommes munis de lanternes parcoururent le pays. Toute la nuit, une épouvantable tempête fit rage. Aucun bateau ne pouvait tenir la mer. Si le pauvre petit Yves avait eu la malencontreuse idée de s’aventurer dans quelque creux de rocher et de s’y laisser surprendre par la marée montante, certainement, c’en était fait de lui !…

La nuit fut affreuse pour tout le monde, au château ! Manon crut qu’elle allait devenir folle, mais, se maîtrisant, elle dirigeait elle-même les recherches. Elle fit élever sur la grève un immense bûcher dont la lueur rouge pouvait servir de phare à l’enfant, et elle ne quitta pas le rivage.

La nuit tout entière s’écoula.

La tempête se calma peu à peu, les chercheurs revinrent, découragés, déçus, dans le matin gris et funèbre :

Yvonnaïk n’avait pas reparu.


(La suite prochainement.) Jacques Lermont.


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