Page:Hetzel - Verne - Magasin d’Éducation et de Récréation, 1903, tomes 17 et 18.djvu/394

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
2
JULES VERNE

Voilà ce que comprirent et firent les Anglais en 1632, lorsqu’ils s’installèrent sur Antigoa. Ces réservoirs furent établis dans les conditions les plus avantageuses. La campagne put être largement irriguée, et, comme le sol se prêtait à la culture du tabac, c’est à cette culture que s’adonnèrent principalement les planteurs — ce qui, dès cette époque, assura la prospérité de l’île.

En 1668, éclata la guerre entre l’Angleterre et la France. Une expédition, organisée à la Martinique, fit voile pour Antigoa. Les envahisseurs détruisirent les plantations, emmenèrent les noirs, et, pendant toute une année, l’île fut aussi déserte que si elle n’eût jamais possédé un seul habitant.

Un riche propriétaire de la Barbade, le colonel Codington, ne voulut pas que les travaux exécutés à Antigoa fussent perdus. Il s’y transporta avec un nombreux personnel, il attira des colons, et, joignant la culture du sucre à celle du tabac, il lui rendit son ancienne prospérité.

Le colonel Codington fut alors nommé capitaine général de toutes les îles Sous-le-Vent qui dépendaient de l’Angleterre. Administrateur énergique, il imprima une grande activité à l’industrie agricole et au commerce des colonies anglaises, activité qui ne devait pas se ralentir après lui.

Ainsi, en y arrivant à bord de l’Alert, Hubert Perkins reverrait une Antigoa aussi florissante qu’au jour où il l’avait quittée, cinq ans auparavant, pour venir faire son éducation en Europe.

La distance entre Saint-Barthélemy et Antigoa n’est au plus que de soixante-dix à quatre-vingts milles. Mais, lorsque l’Alert eut pris le large, des calmes persistants, auxquels succéda une brise assez faible, retardèrent sa marche. Il passa en vue de Saint-Christophe, cette île qui fut livrée aux compétitions anglaises, françaises, espagnoles, et dont la paix d’Utrecht, en 1713, assura aux Anglais la possession définitive. Et, si elle porte ce nom de Christophe, il lui vient de Colomb, qui la découvrit après la Désirade, la Dominique, la Guadeloupe et Antigoa. C’est la signature du grand navigateur génois sur cette magnifique page des Indes occidentales.

Saint-Christophe, disposée en forme de guitare, que les indigènes appelèrent « la fertile », fut, pour les Français et les Anglais, « la mère des Antilles ». Les jeunes passagers ne purent qu’admirer ses beautés naturelles en longeant le littoral à moins d’un quart de mille. Saint-Kitts, sa capitale, est bâti au pied du mont des Singes, sur une baie de la rive occidentale, au milieu des jardins et des palmeraies. Un volcan, dont le nom de Misery s’est changé pour celui de Liberty depuis l’émancipation des noirs, élève à quinze cents mètres sa masse, dont les flancs rejettent des fumerolles de gaz sulfureux. Au fond de deux cratères éteints sont emmagasinées les pluies qui assurent la fertilité de l’île. Sa superficie comprend cent soixante-seize kilomètres carrés, sa population environ trente mille habitants, et l’on y cultive principalement la canne, dont le sucre est de qualité supérieure.

Certes, il eût été fort agréable de relâcher pendant vingt-quatre heures à Saint-Christophe, d’en visiter les pâturages et les cultures. Mais, outre que Harry Markel n’y tenait aucunement, il fallait se conformer à l’itinéraire, et, de fait, aucun des pensionnaires d’Antilian School n’était originaire de cette île. Dans la matinée du 12 avril, l’Alert fut signalé par les sémaphores d’Antigoa, nom que lui donna Christophe Colomb en souvenir d’une des églises de Valladolid. On n’avait pu l’apercevoir à grande distance, car elle émerge médiocrement, et son point le plus élevé ne dépasse pas deux cent soixante-dix mètres. Quant aux dimensions d’Antigoa, elles sont relativement considérables, comparées à celles des autres Antilles, soit deux cent soixante-dix-neuf milles superficiels.