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devant ce qu’il appelait « les reliques », tout comme eût pu le faire un enfant.

Quand même, le regard pénétrant d’Hervé embarrassait la jeune fille.

Il l’étudiait… et elle avait conscience qu’il la jugeait avec un peu et peut-être même beaucoup de sévérité.

Un secret instinct lui disait que la sympathie ne viendrait pas entre eux ; ils ne se ressemblaient aucunement, au moral, et ne parviendraient jamais à s’entendre, elle en eût juré !

P. Perrault.

(La suite prochainement.)

LE GÉANT DE L’AZUR
Par ANDRÉ LAURIE

II (Suite.)
Le capitaine Renaud. Nicole Mauvilain..

« On peut nous appeler barbares, paysans, — sauvages — disent parfois nos agresseurs dans la fureur de leur humiliation. Barbares ou sauvages, nous ne le sommes à aucun degré. Des paysans, soit ! Étrangers à beaucoup de luxe et raffinements, soit encore ! Mais des hommes dans la plus haute acception du mot. Des hommes qui grandissent dans le péril et que la souffrance rend plus courageux. J’ai vu à l’œuvre ces Anglais tant vantés ; je connaissais en gros leur histoire ; j’admirais sincèrement leurs annales militaires ; je savais leurs ressources inépuisables, leur morgue sans pareille… Comment, dès lors, n’être pas saisi d’un saint orgueil à penser que c’est nous, paysans paisibles, infime poignée de laboureurs, de femmes et d’enfants, qui faisons trembler ces gens-là ! qui les forçons à mettre sur pied deux cent mille hommes, à réquisitionner leurs plus savants tacticiens, à épuiser leur trésor — et à reculer constamment !…

« On m’assure que ce sont eux, après tout, qui auront le dernier mot. Je ne veux pas le croire. Je veux espérer jusqu’au bout. Mais, quoi qu’il arrive, il est un trésor que ni la force, ni la richesse, ni le nombre ne nous pourra jamais arracher : c’est le souvenir des faits accomplis par nous ; une grande page d’histoire que nul peuple ne dépassera, que peu ont égalée sans doute…

« Parmi les innombrables humains qui peinent et qui manquent de tout à Modderfontein, je retrouvai, après le premier tumulte de l’internement, votre brave compatriote, le capitaine Renaud, lequel a généreusement sacrifié son bras droit pour la cause des Boers (que le Seigneur lui rende au centuple ce qu’il a fait pour nous !). Ce camp n’est pas une ambulance proprement dite, mais, dans la hâté des coups de main, on entasse provisoirement où l’on peut les blessés et les prisonniers. Dès que je l’eus reconnu, je réclamai comme une faveur le privilège de l’assister dans son épreuve. J’étais présente à l’amputation du bras, qui fut tout d’abord déclarée inévitable, et qu’il subit en héros, dédaignant le secours des anesthésiques. J’eus ensuite la consolation de voir sa prompte convalescence, son parfait rétablissement, et enfin d’apprendre que l’ordre de libération lui était parvenu. Sa qualité de Français était déjà une recommandation à mes yeux : pensez combien s’accrut cet intérêt quand je découvris qu’il était ami assez intime de M. Massey !… qu’il vous avait tous connus enfants ! Je lui contai votre séjour au kopge, le dévouement de vos frères comme ambulan-