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BOURSES DE VOYAGE

leur inspirait leur chef se montrait-elle plus grande que jamais. Il leur tardait cependant d’en avoir fini avec cette exploration des Antilles.

Au cours de cette navigation contre le vent et la mer, M. Patterson ressentit bien quelque malaise, mais, le noyau de cerise aidant, il n’eut point trop à se plaindre.

Au surplus, en ces mois de juillet et d’août, les gros mauvais temps ne sont point à redouter, — seulement des orages dus aux fortes chaleurs de la zone tropicale. Le climat de l’Antilie jouit d’une égalité remarquable et les oscillations de la colonne thermométrique ne comprennent que vingt degrés. Sans doute la variation est plus considérable pour les pluies que pour la température, et, s’il est rare que la grêle les accompagne, elles tombent fréquemment avec une torrentielle abondance.

En réalité, les îles de l’archipel exposées aux vents du large ont le plus à souffrir des perturbations atmosphériques. Les autres, telles Sainte-Croix, Saint-Eustache, Saint-Christophe, les Grenadines, baignées par les eaux de la mer des Caraïbes, sont moins visitées par les tempêtes. Du reste, la plupart des ports des îles du Vent s’orientent vers l’ouest ou le sud-ouest, et, dans ces conditions, ils offrent de sûrs abris contre les fortes houles du large.

La soirée du 3 août était déjà avancée, lorsque l’Alert, retardé par les alizés, parut en vue de Saint-Martin.

Cependant, quatre à cinq milles avant d’arriver au mouillage, les jeunes lauréats avaient pu apercevoir le plus haut piton de l’île, dont l’altitude atteint cinq cent quatre-vingt-cinq mètres, et que doraient encore les derniers rayons du soleil.

On le sait, Saint-Martin appartient à la Hollande et à la France. Il en résulte que les Français et les Hollandais de l’Alert retrouveraient chacun un morceau de leur pays dans les Indes occidentales. Mais, si Albertus Leuwen allait mettre le pied sur le sol natal, il n’en serait pas ainsi de Louis Clodion et de Tony Renault, originaires, l’un de la Guadeloupe, l’autre de la Martinique. C’était à Philsburg, capitale de l’île, qu’était né le jeune Hollandais, et ce serait dans ce port que le trois-mâts irait jeter l’ancre.

Si Saint-Martin est à présent franco-hollandaise, elle a pour sentinelle avancée au nord-ouest la petite île d’Anguilla, on pourrait dire un îlot, rangé avec Saint-Christophe et Nevis sous une même présidence. Elles ne sont séparées que par un étroit canal dont la profondeur ne dépasse guère vingt-cinq à trente mètres. Il n’est donc pas impossible que le fond sous-marin, qui est de nature coralligène, ne se hausse, par le travail persévérant des infusoires, jusqu’à la surface de la mer, soit même par suite d’un soulèvement plutonique. Dans ces conditions, Saint-Martin et Anguilla ne feraient plus qu’une même île.

Que deviendra alors cette Antille franco-anglo-hollandaise ? … Les trois nations y vivront-elles en bonne intelligence ?… Méritera-t-elle mieux que la dernière de la chaîne antiliane de s’appeler Trinité, et est-ce la paix qui régnera à l’ombre des trois pavillons ? …

Le lendemain, un pilote embarqua à bord du trois-mâts, et le conduisit à travers les passes dans le port de Philsburg.

Cette ville occupe l’étroite plage que sépare une baie semi-circulaire d’une saline d’assez grande étendue, siège d’une exploitation très importante. D’ailleurs, les marais salants, principale richesse de l’île, sont tellement productifs qu’on n’estime pas à moins de trois millions six cent mille hectolitres leur rapport annuel.

Il est vrai, un certain nombre de ces marais exigent un entretien continu. L’évaporation est telle qu’ils seraient rapidement à sec Aussi, — et entre autres pour la saline de