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L’excellent homme, ravi, y joignit beaucoup d’autres choses pour la famille entière qui commença gaiement l’année, grâce à tant de belles étrennes.

« Nos petits rouges-gorges nous ont porté bonheur ! » disait Jean.

En effet, on trouva, parmi les cadeaux reçus le 1er janvier, un couteau à quatre lames, comme Jean n’en avait pas même vu en rêve, de petits gants fourrés, un gilet et un capuchon de tricot, plus un gros paquet de tabac et un pantin. Chaque objet portait une adresse bien lisible.

Le génie bienfaisant qui avait indiqué les goûts, les besoins de chacun, était donc passé au château, après avoir entendu les désirs exprimés par les enfants ?

Ceux-ci n’avaient répété à personne leur conversation de la veille.

C’était bien extraordinaire !

« Jean, interrogea Françoise, peut-être qu’il en reste une ? Une toute petite ?… »

Comme son frère ne comprenait pas, elle s’expliqua :

« Oui, une toute petite fée qui a entendu ce que nous disions, et l’a fait savoir… »

Jean secoua la tête, ne paraissant pas persuadé par la supposition de sa sœur, car c’était un grand garçon.

M. de Vercourt eût pu croire aussi que la « toute petite fée » de Françoise lui avait accordé des étrennes, et de plus belles qu’il n’aurait osé en souhaiter, mais qu’il désirait vivement : les premiers baisers pleins d’affection et de respect de son petit-fils !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Et cela, grâce à cinq petits rouges-gorges égarés dans la neige !

A. Lyx.


DISPARUS
Par JACQUES LERMONT


I

Les Valjacquelein.


Manon était triste. Cela lui arrivait souvent depuis quelque temps, mais Manon était inactive. Et cela, c’était chose extraordinaire pour qui connaissait Manon.

Voir Manon inoccupée, depuis le grand matin jusqu’à la dernière minute de sa journée bien remplie, alors que chacun était couché dans la vieille maison familiale ; voir au repos ses doigts fuselés, quand ses petits pieds toujours au service d’autrui ne la portaient pas, semblait-il, partout à la fois, cela, en effet, n’était pas naturel.

Manon était l’âme du manoir de Penhoël, le soleil de la sombre demeure aux murs délabrés, dont d’antiques lierres, montant haut, atténuaient seuls, par endroits, l’aspect mélancolique ; la jeune fille était la vie de tous les habitants du château. Demandez plutôt à grand-père, ou à Jeannie, la fidèle servante, ou à Charlik, le domestique octogénaire, vieilli au service de la famille du Valjacquelein. Demandez encore à Yvonnaïk, l’enfant de la châtelaine de Penhoël, qui n’était plus…

Quels que fussent les âges, les caractères, les personnes, il n’y avait qu’une voix au château sur le compte de Manon :

« Que ferions-nous sans notre Manon !… »

Car elle était leur Manon à tous ! La Manon du bon Charlik comme celle d’Yvonnaïk ou du vénérable baron M. de Valjacquelein. Elle absente, ils n’eussent pu vivre, pensaient-ils.

Qui donc eût fait la lecture à grand’père, lorsque ses yeux fatigués ne parvenaient plus, malgré leurs lunettes, à distinguer les lettres de ces in-folios sur lesquels, affirmait Jeannik, M. le baron se perdait la vue de toute éternité !