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« Voyons ce qu’elle va faire… »

Se penchant vers Mme  Andelot, il lui murmura tout bas :

« Pardon pour mes fils. Dois-je m’en mêler ?

— Non, non, fit-elle d’un signe de tête autant que des lèvres ; qu’elle s’arrange avec eux ; cela lui est très bon.

— Je ne veux pas t’aimer, Lilou, et je ne veux pas te donner de jouets, Pompon, déclarait au même instant Clairette, parce que vous êtes insupportables.

— Si je les emmenais au jardin ? » proposa René.

Mais les rusés gamins, voyant leur colère inutile, avaient déjà cessé leurs cris. Câlinement, ils étaient revenus à Claire, l’avaient entourée de leurs bras, roulaient leurs têtes mutines contre son corsage et suppliaient :

« Tu veux, dis, ma Claire… tu veux ?

— Allons, oui, je veux, fit-elle soudain. Nous les descendrons définitivement, les vieux jouets, aujourd’hui. »

Hervé se tourna vers la jeune fille, et, d’une voix où passait une indéfinissable émotion, supplia :

« Laissez-moi vous aider.

— Oh ! monsieur !… permettez-moi de décliner cette offre. Je ne voudrais pas vous voir remuer ces flots de poussière. René va venir. »

Hervé semblait tout agité. Il était visible que l’expédition du grenier le tentait.

Néanmoins il n’insista pas.

Claire finit par emmener René et les deux petits.

Ceux-ci reparurent au bout de quelques minutes, les bras chargés de mille choses qu’ils lâchèrent en tas, sur le parquet.

« Petits bourreaux ! s’écria le jeune papa, vous allez briser ces reliques ! »

Déjà il se levait dans l’intention de soustraire les jouets au sort qu’il prévoyait pour eux, lorsque grand’mère dit, en agitant son trousseau de clefs :

« Elles sont à l’abri, les reliques.

— Donne, » fit Hervé, oubliant leurs conventions.

Sans hésiter, il choisit une clef dans le trousseau, alla s’agenouiller devant l’un des panneaux de chêne qui servaient de soubassement, ouvrit un placard dont Claire ne soupçonnait même pas l’existence, et amena à lui toute une armée de petits soldats de plomb, un gros tambour, un fusil, des quilles, jusqu’à un jeu de loto !

« Mon vieux loto ! tu l’as gardé !… Nous y jouerons encore, grand’mère, fit-il de sa place. Ah ! si mon pauvre grand-père et mon père étaient là ! C’est grand-père qui m’apprenait à compter, te souviens-tu ? »

Il s’était retourné en parlant ; sur son visage, les larmes ruisselaient…

Claire laissa tomber le polichinelle dont elle s’occupait à consolider les attaches.

Grand’mère s’était dressée et marchait à son petit-fils. Inutile de feindre, désormais. Elle était trop émue pour y songer, au reste.

La voyant venir, Hervé, qui devinait son intention, se releva. Elle le prit par la main, l’amena devant Claire et dit à celle-ci :

« Vous êtes cousins, cousins germains, lui et toi. Qu’il te dise comment. Je n’en aurais pas la force… »

Elle s’appuyait maintenant sur lui, ses deux mains si faibles nouées au bras d’Hervé.

« Mon cousin !… vous êtes mon cousin !… murmurait Claire ahurie de surprise.

— Si tu avais consenti plus tôt à écrire la lettre dans laquelle je me propose d’annoncer à ton père que le bonheur est rentré sous mon toit avec ce cher garçon, tu le saurais déjà, mignonne. »

Sidonie et Rogatienne écoutaient bouche bée. Pour Yucca et Thérèse, mis dès la veille au courant de cette histoire de famille, ils partageaient l’émotion de leur ami.

« Alors, s’écria Claire, lorsqu’elle eut recouvré quelque sang-froid, je suis la tante de ces deux diables à quatre ! Lilou ! Pompon !