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JULES VERNE

Quant à ce nom d’Indes occidentales donné aux Antilles, il vient de l’erreur qui fut commise par Christophe Colomb à propos de ses découvertes.

En réalité, cet archipel, depuis l’îlot de Sombrero au nord jusqu’aux Barbades au sud, qui forme l’ensemble des Petites-Antilles, s’étend sur six mille quatre cent huit kilomètres carrés. L’Angleterre en possède trois mille cinq cent cinquante, la France deux mille sept cent soixante-dix-sept, la Hollande quatre-vingt-un mille.

La population totale de ces îles est de sept cent quatre-vingt-douze mille habitants, dont quatre cent quarante-huit mille pour l’Angleterre, trois cent trente-six mille pour la France, huit mille deux cents pour la Hollande.

Les possessions danoises appartiennent plutôt au groupe des îles Vierges, avec une superficie de trois cent cinquante-neuf kilomètres carrés et trente-quatre mille habitants pour le Danemark, cent soixante-cinq kilomètres carrés et cinq mille deux cents habitants pour l’Angleterre.

En somme, ces îles Vierges peuvent être considérées comme faisant partie de la micro-Antilie. Occupées par les Danois dès l’année 1671, elles figurent, pour la plupart, dans leur domaine des Indes occidentales. Elles sont désignées sous les noms de Saint-Thomas, Saint-Jean, Sainte-Croix. Dans la première était né l’un des jeunes boursiers, le sixième lauréat du concours d’Antilian School, Niels Harboe.

C’est devant cette île que Harry Markel allait jeter l’ancre le matin du 26 juillet, après une heureuse traversée dont la durée avait été de vingt-cinq jours. À partir de ce point, l’Alert n’aurait plus qu’à descendre vers le sud pour relâcher dans les autres îles.

Si Saint-Thomas est de dimensions restreintes, son port est excellent d’abri et de tenue. Cinquante navires de grand tonnage peuvent y mouiller à l’aise. Aussi les flibustiers anglais et français ne laissèrent-ils de se le disputer à l’époque où les marines européennes luttaient sur ces parages et se prenaient, se reprenaient, s’arrachaient les îles de l’Antilie, comme des fauves voraces font d’une proie qui excite leur convoitise.

Christian Harboe habitait Saint-Thomas, et les deux frères n’avaient pas eu l’occasion de se revoir depuis plusieurs années. Avec quelle impatience tous deux attendaient l’arrivée de l’Alert aux Antilles, on le comprend.

Christian Harboe était l’aîné de onze ans. Seul parent que Niels eut dans l’île, il comptait parmi les plus riches négociants, nature très sympathique, montrant cette réserve charmante qui caractérise les races du nord. Ayant fixé sa résidence dans la colonie danoise, il avait pris la suite de l’importante maison de son oncle, un frère de sa mère, maison d’objets de consommation usuelle, vivres, étoffes, etc.

L’époque n’était pas encore éloignée où tout le commerce de Saint-Thomas se trouvait entre les mains des israélites. Il se faisait sur une grande échelle, alors que la guerre troublait incessamment ces parages, et surtout après que la traite des noirs eût été définitivement interdite. Son port, Charlotte-Amalia, ne tarda pas à être déclaré port franc, ce qui accrut sa prospérité. Il offrait de sérieux avantages à tous les navires, de quelque nationalité qu’ils fussent. Ils y rencontraient un abri sûr contre les alizés et les tempêtes du golfe, grâce aux hauteurs de l’île, à une langue de terre où se brisait la houle du large, et à un îlot sur lequel sont établis des quais et installés des magasins à charbon.

Lorsque l’Alert, signalé par les sémaphores, eut relevé les pointes Covell et Molhenters, doublé l’extrémité de la langue, contourné l’îlot, laissé sur la gauche le Signal, il donna dans un bassin circulaire, ouvert au nord, au fond duquel s’élèvent les premières maisons