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« Ouvre les yeux et les oreilles, Clairette, se dit-elle, et, puisqu’on prétend ne rien te confier, regarde et écoute ; tu finiras peut-être bien par deviner. »

Telle fut sa conclusion après ce gros orage.

Quand même, cette opposition la laissait encore désorientée. Elle en ressentait davantage l’absence de l’appui qui avait été jusque-là sa force et sa sécurité : ses parents.

C’était tout un apprentissage qu’il lui faudrait refaire de la vie, elle en avait conscience. Il ne s’agissait plus d’exprimer une volonté, n’importe laquelle, et de laisser ensuite les événements suivre leur cours, certaine qu’à son heure, cette volonté s’accomplirait.

Elle devrait tout conquérir de haute lutte, ou… céder… Et pourquoi céder ?

Est-on en ce monde pour s’occuper d’autre chose que de son propre bonheur ? chacun n’est-il pas chargé de soi ? Et le bonheur, qu’est-ce ? sinon la satisfaction de faire ce qui plaît ?

La grande science du bonheur, c’est de savoir accorder sa situation et ses désirs ; Claire s’était dit cela souvent.

Elle était trop intelligente pour ne se point rendre compte que souhaiter l’impossible eût été marcher à l’encontre du but. Elle s’appliquait, avec le bon sens naturel dont elle était douée, à borner son ambition. Mais alors qu’elle ne s’élevait point au-dessus de la sphère où Dieu l’avait fait naître, elle n’admettait pas que quelqu’un se mit en travers.

Cette philosophie n’était pas discutée, réfléchie, ni appliquée avec méthode. Claire n’analysait rien. Elle cédait à l’impulsion du moment. Et certes ! si son père et sa mère étaient ses esclaves soumis, elle était elle-même la première esclave de ses vouloirs irraisonnés.

Si le cœur n’eût élevé la voix de temps à autre, vite écouté, d’ailleurs, Clairette eût été un spécimen tristement réussi de « l’égoïsme cultivé » : celui de l’enfant unique.

(La suite prochainement.) P. Perrault.

KSOUR ET OASIS[1]

CHEVAUCHÉES D’UN FUTUR SAINT-CYRIEN À TRAVERS LE SUD-ORANAIS

III

Exploration des oasis.


« Mais, fis-je, ces oasis, y a-t-il longtemps qu’on les connaît ?

— Lorsque notre domination s’étendit jusqu’aux Hauts-Plateaux, nous pensions être arrivés à l’entrée du désert. Le traité signé le 18 mars 1845 avec le Maroc fournit à cet égard les preuves de notre ignorance réelle, à nous Français, et de l’ignorance voulue des Marocains. »

Ce traité, qui servait encore il y a un an[2] de base aux prétentions des deux pays limitrophes, supposait l’Algérie coupée en quatre tranches horizontales, dont la plus supérieure — le Tell — était jugée seule digne d’une délimitation précise. Pour la seconde, dénommée Sahara, et comprenant les Hauts-Plateaux et les Chott, on se contentait de déclarer : « telles tribus seront françaises ; telles autres marocaines ». On divisait de même la région des Ksour, qui formait la troisième zone, en villages de l’une ou de l’autre nation. Enfin, on ajoutait :

  1. Voir les nos 180 et suivants.
  2. Une commission de délimitation franco-marocaine a entrepris, au début de l’année 1902, des travaux pour établir nettement la frontière dans ces deux dernières parties, et les a menés à bien. Les affaires récentes sembleraient montrer que les indigènes de ces régions ne sont pas favorables aux conclusions de cette commission.