Page:Hetzel - Verne - Magasin d’Éducation et de Récréation, 1903, tomes 17 et 18.djvu/313

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ceux-ci étaient rentrés au nid ; la branche se rattachait au vieux tronc, qui, miracle d’amour ! reconquérait sa force en portant tous ses rameaux.

Ah ! ces réunions de famille, qu’elle en était arrivée à redouter, parce que sans cesse, malgré qu’elle en eût, son regard comptait les vides, grand’mère sentait son âme en fête, rien qu’à y penser.

Qu’est-ce qui pourrait bien représenter le veau gras, au festin qu’elle méditait ?

Les pauvres vieux n’ont besoin ni de beaucoup de liqueur, ni d’une somme de bonheur trop grande : un rien les grise…

Grand’mère se tenait le front à deux mains en revenant de la cuisine, et elle disait, de sa voix qui chevrotait un tout petit peu :

« La tête me tourne… elle me tourne positivement ! »

Puis, avec cette foi enfantine — celle des cœurs simples — qu’elle avait toujours gardée, elle ajouta :

« Mon Dieu, bonne Vierge, tous les saints, réjouissez-vous donc avec moi. Je me crois déjà dans votre paradis. »

Une fois revenue à sa bergère, où son corps menu s’enfouit, elle se mit à songer à Clairette.

Quel changement ! Que de gaieté le voisinage d’Hervé et des petits mettait désormais dans son existence journalière.

Grand’mère était ravie que Lilou et Pompon eussent pris si fort en amitié la jeune fille. Leur despotique affection la sortirait d’elle-même, et la forcerait à s’occuper des autres :

« Bonne habitude à acquérir », songeait grand’mère avec un sourire.

Et Brigitte ! Elle allait revoir Brigitte ! Qu’était devenue la petite blondine de jadis ? Ce n’était point Hervé… Brigitte n’avait jamais eu pour l’aïeule ses élans de tendresse ; mais c’était son enfant tout de même ! la fille de son bien-aimé Philippe. Ah ! qu’elle se réjouissait de la tenir là, tout près d’elle, comme, l’instant d’avant, son petit-fils.

Et, ne doutant plus de rien, grand’mère se disait que, peut-être, elle pourrait aller embrasser, dans son couvent, sa chère Tiphaine, devenue la servante du bon Dieu.

Hier, elle eût haussé les épaules, comme