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BOURSES DE VOYAGE

Le menu des repas s’en ressentait agréablement, grâce à ces poissons de pleine mer, bonites, dorades, esturgeons, morues, thons, dont se régalait aussi l’équipage.

Assurément, M. Patterson eut pris le plus vif plaisir à suivre les péripéties de ces pêches ; mais, s’il quittait sa cabine, ce n’était encore que pour respirer l’air frais de l’espace. Certes, il ne se fût pas moins intéressé à observer les ébats des marsouins, des dauphins qui s’élançaient et plongeaient sur les flancs de l’Alert, à entendre les cris des jeunes passagers, admirant les prodigieuses culbutes et cabrioles de ces « clowns océaniques » !

« En voici deux que l’on aurait pu tirer au vol… déclarait l’un.

— Et ceux-ci, qui vont se heurter contre l’étrave ! » s’écriait l’autre.

Ces souples et agiles animaux se rencontraient parfois en bandes de quinze ou vingt, tantôt à l’avant, tantôt dans le sillage du navire. Et ils marchaient plus vite que lui ; ils apparaissaient d’un côté et, à l’instant, ils se montraient de l’autre, après avoir passé sous la quille ; ils faisaient des bonds de trois à quatre pieds ; ils retombaient en décrivant des courbes gracieuses, et l’œil pouvait les entrevoir jusque dans les profondeurs de ces eaux verdâtres, si claires et si transparentes.

À plusieurs reprises, sur la demande des passagers, John Carpenter et Corty essayèrent de capturer un de ces marsouins, de les frapper avec des harpons. Mais ils n’y réussirent pas, tant ces poissons sont agiles.

Il n’en fut pas de même des énormes squales qui fréquentent ces parages de l’Atlantique. Ils sont tellement voraces qu’ils se jettent sur n’importe quel objet tombé à la mer, chapeau, bouteille, morceau de bois, bout de filin. Tout est comestible à leurs formidables estomacs, et ils gardent ce qu’ils n’ont pu digérer.

Dans la journée du 7 juillet, un requin fut pris, qui ne mesurait pas moins de douze pieds de longueur. Lorsqu’il eut avalé le croc amorcé d’un débris de viande, il se débattit avec une telle violence que l’équipage eut grand’peine à le hisser sur le pont. Louis Clodion et ses camarades étaient là, regar-