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« Tu es sur de ce que tu dis, Pompon ?

— Oui, oui, oui. Z’ai vu sa robe entre les arbres, et pis ze l’ai plus vue.

— Soyez gentils, supplia le jeune papa. Je vous ferai monter bientôt. »

Il gravit encore quelques marches, puis s’arrêta soudain, les yeux agrandis de surprise : il venait d’apercevoir le petit soulier…

Se baissant, il prit la fine chaussure et la considéra longuement. Une émotion violente le secouait. Les fibres de son cerveau tendues sous l’effort d’un vouloir décidé à remporter, il livrait un assaut furieux à l’infranchissable barrière fermée sur les années lointaines.

Tout à coup, il prononça d’une voix rauque, haletante, les yeux sur le petit soulier rouge qu’il était redescendu montrer à ses amis :

« Je me souviens !… voilà que les faits se précisent… Oui… oui… J’en suis à présent certain… Ce petit soulier, c’est moi qui l’ai perdu ici même, la dernière fois que nous y sommes venus, mon père et moi. Mon père me portait. Brigitte ni Tiphaine n’étaient avec nous… Non, je ne les vois pas…

— Cet escalier a été mis à jour récemment, observa Yucca ; il est aisé de s’en convaincre : la pierre garde encore un aspect humide jusqu’à la hauteur où il était comblé.

— N’empêche que c’est bien le nôtre…

— Et, observa Thérèse en riant, voici un petit soulier qui a dû gîter sous l’humus amassé sur les degrés peu à peu, qui a dû, s’il a été laissé sur place une fois dégagé, recevoir l’averse de cette nuit, et qui est sec comme si on le sortait du placard… Si vous pouvez m’expliquer cela… »

Là-haut, derrière son volet, Clairette riait de tout son cœur. Était-ce amusant ! Qu’allait-il sortir de cette étonnante aventure ?

Bon ! voilà Pétiôto qui l’appelait ! Quel ennui ! Friquet était attelé ! Eh bien, Friquet attendrait.

La curieuse ne se sentait plus la moindre envie d’aller à Costaros chercher les cartons qu’avait dû y déposer la diligence du Puy.

C’étaient pourtant un chapeau et une toilette d’été que contenaient lesdites caisses. Et, tout à l’heure, Claire était follement impatiente de les voir. Mais l’intérêt de la scène qui se passait au bas de l’escalier primait tout, en ce moment.

Cependant, Pétiôto se rapprochait… Elle allait apparaître, si on ne lui répondait pas. Il fallait prévenir l’invasion du bon grand dragon, sous peine de s’exposer à être surprise écoutant ce qui se disait chez leur voisin.

« Je vais lui déclarer que je ne sortirai pas », songea Claire.

Quittant son observatoire, elle se faufila dans le placard.

« Et si le baron de Kosen montait ! se dit-elle… La question du petit soulier élucidée, il va reprendre son ascension, sûrement… Qui sait jusqu’où les souvenirs qui semblent se réveiller chez lui vont lui souffler de poursuivre ? Le volet entr’ouvert, c’est bien… Mais cet entassement de robes le fera reculer ; c’est du nouveau… de l’inconnu… »

Prestement, elle repoussa l’un contre l’autre les portemanteaux espacés sur la tringle de fer, ouvrit toute grande la porte secrète, maintenant dégagée, laissa entrebâillée celle qui donnait sur le couloir intérieur, et, à pas de velours, gagna le vestibule. Malgré son inépuisable patience, Sidonie commençait à trouver le temps long.

« Enfin te voici, Clairette ! Que faisais-tu donc ?

— Une chose qui pressait. Décidément, je ne vais pas à Costaros, ma cousine.

— Allons, bien ! Moi qui m’étais promis de te montrer au retour les restes de l’ancien canal qui amenait l’eau de Montcoudiol au château d’Arlempdes.

— Que voit-on ?

— Des pierres alignées à la file, à fleur de