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devoir, et si nous vivions encore au temps où les Suédois croyaient aux kobolds, je dirais que l’un d’eux l’avait dérobé pour le porter jusque chez l’oncle Christian. »

Olaf glissa la main dans la serviette d’écolier qu’il portait sous le bras et en sortit le cahier de Lotta un peu défraîchi, mais toujours relié par son fil d’argent. Après le premier mouvement de surprise, la jolie tête blonde de Marguerite s’inclina humblement. Mais Olaf était trop délicat pour lui infliger l’humiliation d’un aveu ; il reprit avec bonté, comme si elle lui avait confié son secret :

« Puisque tu désires réparer cette faute, ma chère Marguerite, il ne faut pas tarder. Veux-tu demander l’avis de Mlle Rosenvik ?

— Dire à tante Gerda ! Ah ! c’est impossible : elle serait indignée. Il est vrai que j’ai très mal agi ; mais je croyais que M. Lutzen aidait beaucoup sa fille, et que cela me donnait le droit de défendre ma place.

— Est-il donc loyal de corriger une injustice par une autre injustice ? fit observer le jeune garçon avec douceur.

— Certainement non, et de plus je me trompais : puisque le père de Lotta est encore à Upsal, elle a fait son devoir seule. Comment m’y prendre, mon Dieu, pour que la pauvre Barbara ne soit pas aussi ma victime ?

— Quand on répare ses torts, la ligne droite est toujours la meilleure et la plus noble. Va trouver M. Duff, et dis-lui la vérité.

— Toute seule ?

— C’est un peu dur, j’en conviens ; voyons, veux-tu que maman t’accompagne ?

— Ali ! si elle y consentait, elle est bonne et indulgente comme toi, j’oserai lui tout confier. »

Tout en parlant, les deux enfants étaient arrivés devant la maison qu’habitaient les parents d’Olaf… Entre Mme Osburn et son fils, il y avait, en effet, une grande ressemblance de caractère. Elle accueillit la fillette repentante et écouta son récit sans paraître scandalisée, puis approuva le conseil donné par Olaf. Peu d’instants après elle pénétrait, suivie de Marguerite, dans le cabinet de travail de M. Duff, et celle-ci, le cœur battant, fit si bravement son devoir que le professeur lui tendit la main :

« Voilà un instant d’oubli noblement expié, ma chère demoiselle, dit-il avec émotion, vous gagnez encore dans mon estime. Soyez sans crainte, le mal que vous regrettiez d’avoir causé sera réparé. »

Le lendemain, Barbara, toute souriante, ouvrit les portes du cours en annonçant qu’elle ne serait pas renvoyée et les élèves apprirent sans trop de surprise qu’on avait retrouvé le cahier égaré. Lotta Lutzen, dont la composition était parfaite, fut proclamée première. « Est-ce étonnant, remarquèrent plusieurs des fillettes à la sortie, Marguerite Lodbrod avait l’air satisfait d’être battue ! »

Oui, Marguerite était heureuse ; rentrée chez sa tante, elle attendit près de la fenêtre le passage d’Olaf et, se penchant vers lui, le visage radieux, elle murmura, de façon à n’être pas entendue de Mlle Gerda : « Quelle bonne leçon tu m’as donnée, mon cher Olaf ! Je le vois à présent : mieux vaut renoncer au succès que de trahir un seul instant son devoir. »

A. Mouans.

FILLE UNIQUE

CHAPITRE VII


Quand deux personnes placées à l’opposé poursuivent un même but, il survient qu’à un moment donné, ayant fait chacune la moitié du chemin, elles se rejoignent.

Claire continuait, avec son habituelle ténacité, ses observations et ses recherches. Hervé