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DISPARUS

eux. Et, à Géryville, il venait lui rappeler ces promesses, capitales pour le succès de son aventure.

« Hélas ! le Si Hamza de Géryville n’était pas le Si Hamza de Paris. Rien ne lui coûta, ni les atermoiements calculés, ni les lenteurs voulues.

(La suite prochainement.) Michel Antar.

DISPARUS
Par JACQUES LERMONT

VII

Barnabé et Cie.


Nous avons laissé Yvon et Petite Manette endormis à la fin de l’après-midi dans la grotte, lui, bien las, elle, ayant pris un peu trop de cassonade à l’eau-de-vie, et voilà que, le lendemain, le chevalier avait trouvé la grotte vide.

Que s’était-il donc passé ?

Quand Yves s’éveilla, il faisait nuit noire. L’idée de l’évasion ne le quittait pas, pour ainsi dire, même tandis qu’il dormait. Il s’éveilla avec cette idée, plein de courage et de foi en la liberté prochaine. Yvon voulut travailler tout de suite, sans attendre le jour. Il n’avait pas à économiser la chandelle. Il ne fallait pas retarder d’une minute le moment où il quitterait la grotte avec Manette.

Le moyen, il l’avait entre les mains. C’était un moyen sûr, pensait-il. S’il parvenait à descendre la grande caisse pleine de biscuits et empiler dessus les autres boîtes, il n’aurait plus qu’à monter par cet escalier, car, pour ce qu’il restait à franchir, il entrevoyait qu’il en viendrait à bout d’une manière ou d’une autre, grâce à la corde, à la barre de fer, à ses vêtements ajoutés à la corde au besoin. Et, à tout prendre, il venait d’y songer, il fabriquerait une espèce de corde avec les pièces de soie. Mais le plus simple et le plus pressé, surtout la nuit, c’était d’arriver à descendre la lourde caisse à biscuits.

La chose n’était pas facile pour un enfant de dix ans. D’abord, Yves ne pouvait songer, non seulement à descendre, mais même à ébranler cette caisse avant de l’avoir vidée. Or, pour faire passer un à un la quantité de biscuits contenus et empilés, serrés dans l’intérieur de cette caisse, ce n’était pas une petite affaire. Yvon l’entreprit néanmoins. Il grimpa dans l’armoire et commença la besogne à la lueur de la chandelle.

Que ferait-il des biscuits ? S’il les déposait dans la cachette, en haut, leur amoncellement s’opposerait ensuite au passage de la boîte, et ce serait un second déménagement à opérer. Yves prit le parti de les lancer tout simplement dans l’intérieur de la grotte, le plus loin possible, sûr de n’en perdre aucun et de ne pas les gâter : autant craindre de détériorer des cailloux. Et puis, ils n’en auraient pas besoin longtemps, Manette et lui.

La pluie de biscuits commença et dura assez longtemps. Dès les premières chutes, Manette s’éveilla et, voyant la lumière, demanda :

« Tu fais, là haut, Grand Yvon ? »

Mais bientôt, amusée de ce jeu d’un nouveau genre, elle se mit à ramasser des biscuits et à en construire des maisons. C’était très commode pour cela.

Pendant que les deux enfants se livraient à ces occupations, chacun de son côté, quelque chose d’insolite se passait sur la falaise. Six hommes enveloppés de longs manteaux, armés de mousquets, y étaient montés sans bruit, venant de la grève. Deux autres étaient restés