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quelles il se consacrait encore deux jours avant de mourir. À ce point de vue, c’est un exemple des plus complets d’une activité intellectuelle persistante.

La fortune héritée de son père, — l’auteur du Mérite des femmes, académicien comme lui, et de qui il tenait, sans doute, son goût inné de la littérature, — lui eût permis de mener une vie facile et agréable ; mais, travailler, travailler toujours et quand même, fut toute sa devise, et il faut dire, à sa louange, qu’il ne cessa pas un instant de s’y conformer. Pour lui, travailler était un besoin si impérieux qu’il s’en était fait une règle de conduite. Tandis que beaucoup sont laborieux par besoin ou par devoir, lui l’était par système peut-être, mais mieux vaut dire par nature.

Nous ne parlerons ici ni de ses débuts ni de ses œuvres littéraires comme poète et auteur dramatique, mais d’une autre phase de son existence qui eut pour point de départ ses célèbres conférences au Collège de France, dont l’un des résultats fut la publication des Pères et Enfants au xixe siècle. Il se consacra dès lors presque exclusivement à la réalisation de ses idées éducatrices, et, pour leur développement, il choisit le plus souvent, d’accord avec son vieil ami Hetzel, le Magasin d’Éducation et de Récréation, dont il resta jusqu’au dernier jour le fidèle collaborateur et ami. C’est ce Legouvé-là surtout que connurent les lecteurs du Magasin, ainsi que l’écrivain moraliste, éducateur par excellence, dont les ouvrages nombreux furent si justement estimés et seront toujours recherchés.

Ernest Legouvé.

Ceci fut, dans la vie professionnelle de l’écrivain, comme une évolution complète, et qui nous valut une série de travaux de premier ordre, où les leçons de choses accompagnèrent les enseignements théoriques et les firent valoir, grâce à l’exemple qui, dûment approprié, frappe, si bien et si sûrement, les jeunes intelligences. Il avait toujours été un incomparable lecteur et cette évolution de son esprit et de son talent l’amena à commenter les œuvres des maîtres éternels de la littérature, et à enseigner, en même temps que le sens de leurs œuvres, comment il les fallait interpréter par la lecture, pour faire bien comprendre leur pensée et l’accentuer encore, si possible, grâce à la diction raisonnée. Là, surtout, il se montra supérieur, en écrivant tant de belles et fortes pages, d’un style à la fois sobre ci clair, si bien approprié aux sujets qu’il traitait, où il donnait sur des choses et sur des hommes d’autrefois, des aperçus si ingénieux dans leur nouveauté, et qui révélaient des vérités jusqu’alors négligées, sinon tout à fait insoupçonnées.

C’est à cette période caractéristique qu’appartient, cette série d’articles si remarqués dans ce recueil et qui, presque tous réunis en volumes, à l’usage des familles préoccupées des questions d’éducation littéraire et heureuses de mettre à profit les leçons d’un tel maître, forment une bibliothèque spéciale : d’une part, Les pères et les enfants, Nos filles et nos fils, Épis et Bleuets, Une élève de seize ans : d’autre part, l’Art de la lecture, la Lecture en famille, renfermant un excellent enseignement de la diction. Ces livres sont autant de témoignages précieux d’une production ininterrompue et aussi de la probité d’une si belle vie littéraire, soucieuse de l’œuvre qui dure, ignorante des préoccupations de l’ac-