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HOSPITALITÉ

COMÉDIE EN UN ACTE

PERSONNAGES

Hassan.

Haroun al rachid.

Giaffar.

Fatma, servante d’Hassan.


La scène est dans les environs de Bagdad.
Une très pauvre maison. — Des nattes. — Des tapis roulés dans un coin. — Quelques coussins. Quelques jarres. — Un coffre en bois. — Porte au fond.

Scène PREMIÈRE

HASSAN, FATMA.

Hassan entre, un filet sur l’épaule. Il laisse la porte ouverte. — Mauvaise journée, ma bonne Fatma ! Je n’ai pas pris un poisson.

Fatma, s’arrachant les cheveux. — Eh ! mon cher maître, c’est bien de poisson qu’il s’agit !

Hassan, posant son filet. — Cet air désespéré ! qu’y a-t-il donc ?

Fatma. — Ce qu’il y a ? Visitez le coffre où vous mettez cet argent, amassé avec tant de peine pour payer Abou Taleb ; ouvrez, fouillez, plus une roupie, plus un para, rien, rien, rien !

Hassan, après avoir regardé dans le coffre. — Comment cela, Fatma ?

Fatma. — Eh, ce n’est pas malaisé à comprendre. Ce coquin que vous avez accueilli hier au soir l’a vidé ce matin, avant de partir, pendant que j’avais été puiser de l’eau.

Hassan. — Pauvre homme !

Fatma. — Vous dites : pauvre homme !

Hassan. — Eh ! n’est-on pas à plaindre quand on a commis une mauvaise action ? (Il s’assied.)

Fatma. — Le misérable ! Je savais bien, moi, qu’il ne fallait pas le recevoir, il avait si vilaine mine ! Je vous ai fait signe, je vous ai même tiré par la manche, cela n’a servi de rien.

Hassan. — Aurait-il fallu que je le renvoyasse ? l’hospitalité est un devoir sacré.

Fatma. — L’hospitalité ! l’hospitalité ! Folle que j’étais d’aller au puits et de le laisser là !

Hassan. — Ne t’accuse pas, Fatma. C’était écrit.

Fatma, saisissant une jarre. — Maudite eau qui est cause… (Elle fait mine de la verser.)

Hassan, souriant. — Ne la répands pas, Fatma, ce serait un malheur de plus. L’eau est rare en cette saison.

Fatma, reposant la jarre. — Je sais bien. Et qu’allez-vous… faire à présent ?

Hassan. — Continuer à travailler, et recommencer à épargner pour…

Fatma. — Oui, mais Abou Taleb est venu tout à l’heure, et quand il a su que vous ne pourriez pas le payer aujourd’hui…

Hassan. — En effet, c’est ce soir le terme.

Fatma. — Il a dit qu’il reprendrait la maison et le bateau.

Hassan, se levant. — C’est son droit. Rassemble nos effets ; nous partirons tout de suite.

Fatma. — Non, je l’ai tant supplié qu’il nous permet de rester jusqu’à demain.

Hassan. — Qu’Allah le bénisse pour cette générosité ! (Se rasseyant.) Quoi ! tu te plains, Fatma, quand nous avons encore une nuit à passer ici ? Tant d’hommes sont sans abri ce soir ! et voici l’orage. (On entend le tonnerre lointain.)