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Ils passèrent l’inspection de chaque pièce. À leur profonde surprise, les tableaux, des œuvres de maître, pour la plupart, étaient restés en place.

Ce long séjour en un logis clos les avait fort endommagés. Quant aux fresques de la petite chapelle, une bonne moitié était à refaire.

« Que d’ouvrage, mon ami, que d’ouvrage ! s’écria Hervé, lorsque, la visite terminée, ils se retrouvèrent dans la salle à manger d’où ils étaient partis. Promets-moi de te charger des fresques, et de la restauration des toiles les plus importantes ; moi je m’entendrai avec le menu fretin. Je veux absolument sauver mes tableaux de la destruction.

— Et il n’est que temps ! La difficulté des transports a dû effrayer ta mère, sans quoi elle n’eût pas abandonné, de gaîté de cœur, des œuvres comme celles-ci.

— L’art ! elle y était indifférente. Et puis, ajouta-t-il soucieux, son antipathie pour Vielprat devait s’étendre à tout ce qu’il renfermait… »

Il reprit après un silence :

« Le plus malaisé ne sera point de restaurer ces peintures, mon ami, j’en ai peur. »

Yucca opina de la tête :

« Ce qui me surprend, c’est que la vue de cette habitation, où s’est écoulée ta petite enfance, ne te rappelle rien.

— Rien… c’est trop dire ; j’ai cru reconnaître certaines choses, tout à l’heure ; ce grand bahut qui est dans la galerie, tout au fond… et puis le petit couloir qui aboutit d’une chambre, — celle de mon père, je présume, — directement au parc… Le reste viendra peu à peu… »

Mais les circonstances se mirent à l’encontre. Hervé fut rappelé subitement à Paris : l’un de ses enfants était malade.

« Veux-tu venir l’an prochain ? demanda-t-il à Yucca, avant de quitter le Velay. À nous deux nous devinerons peut-être. Je sens que, livré à mes seules forces, je ne réussirai pas.

— Tu peux compter sur moi. »

Le château étant assez vaste pour abriter deux familles, ayant chacune son installation indépendante, il fut convenu qu’au lieu de se rendre dans le Jura, à son habitude, Yucca amènerait tous les siens passer l’été à Vielprat.

Ce projet fait à l’automne précédent était aujourd’hui sur le point de s’effectuer.

Obligé d’accomplir une période de service militaire, Hervé de Kosen était venu auparavant habiter quelques jours le château, et avait pris ses dispositions pour recevoir ses hôtes.

Les grosses réparations extérieures commencées avant l’hiver, en même temps que la restauration du parc, étaient presque achevées. Quelques grillages à placer aux endroits dangereux, à cause des enfants, et tout serait prêt.

Une fois certain que nul accident grave n’était à redouter pour Lilou et Pompon, le jeune papa les avait installés au château avec leurs bonnes ; pas bien tranquille, mais forcé de se soumettre aux événements. Puis, il avait rejoint son bataillon de chasseurs « lapins » « sous » la montagne, ainsi que l’avait expliqué Lilou à Claire.

P. Perrault.

(La suite prochainement.)