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JULES VERNE

lians, et qui sait si la plupart d’entre eux eussent été destinés à le jamais revoir ! Seuls, Louis Clodion avait un oncle, frère de sa mère, à la Guadeloupe ; Niels Harboe, un frère à Saint-Thomas, et Hubert Perkins toute sa famille à Antigoa. Mais leurs camarades ne conservaient plus aucune attache de parenté avec les autres îles de l’Antilie, abandonnées sans esprit de retour.

Les plus âgés des boursiers étaient Roger Hinsdale, un peu hautain de caractère ; Louis Clodion, garçon sérieux et laborieux, sympathique à tous ; Albertus Leuwen, dont le sang hollandais ne s’était point réchauffé au soleil des Antilles. Après eux venaient Niels Harboe, dont la vocation ne se déclarait pas encore ; Magnus Anders, très passionné pour les choses de la mer, et qui se préparait à entrer dans la marine marchande ; Axel Wickborn, que ses goûts porteraient à servir dans l’armée danoise ; puis, à citer par rang d’âge, John Howard, un peu moins britannisé que son compatriote Roger Hinsdale ; enfin les deux plus jeunes, Hubert Perkins, destiné au commerce, ainsi qu’il a été dit, et Tony Renault, à qui ses goûts de canotage pourraient bien donner pour l’avenir celui de la navigation.

À présent, question d’une certaine importance, est-ce que ce voyage allait comprendre toutes les Antilles, grandes et petites, celles du Vent et celles sous le Vent ?… Mais une complète exploration de l’archipel aurait exigé plus que les quelques semaines dont les lauréats disposeraient. En effet, on ne compte pas moins de trois cent cinquante îles ou îlots dans cet archipel des Indes occidentales, et, admettant que cela fût possible, rien qu’à en visiter une ou un par jour, il eût fallu consacrer à cette très sommaire visite une année entière.

Non ! telles n’étaient pas les intentions de Mrs Kethlen Seymour. Les pensionnaires d’Antilian School devaient se borner à passer quelques jours chacun dans son île natale, à revoir les parents ou amis qui s’y trouvaient alors, à remettre encore une fois le pied sur le sol natal.

Dans ces conditions, on le voit, il y aurait à éliminer tout d’abord de l’itinéraire les grandes Antilles, Cuba, Haïti, Saint-Domingue, Porto-Rico, puisque les pensionnaires espagnols n’avaient point été classés dans le concours, la Jamaïque, puisque aucun des lauréats n’était originaire de cette colonie britannique, et Curaçao, la hollandaise, pour pareille raison. De même les petites Antilles, qui sont sous la domination vénézolane, ne seraient pas visitées, ni Tortigos, ni Marguerite, ni Tortuga, ni Blanquilla, ni Ordeilla, ni Avas. Donc, les seules îles de la Micro-Antilie où aborderaient les titulaires des bourses de voyage seraient Sainte-Lucie, la Dominique, Antigoa, anglaises, — la Guadeloupe, la Martinique, françaises, — Saint-Thomas, Sainte-Croix, danoises, — Saint-Barthélémy, suédoise, et Saint-Martin qui appartient par moitié à la Hollande et à la France.

Ces neuf îles étaient comprises dans l’ensemble géographique des îles du Vent, auxquelles feraient successivement relâche les neuf pensionnaires d’Antilian School. Toutefois, personne ne s’étonnera qu’à cet itinéraire il eût été ajouté une dixième île, qui, sans doute, recevrait la plus longue et aussi la plus légitime visite.

C’était la Barbade, du même groupe des îles du Vent, l’une des plus importantes du domaine colonial que le Royaume-Uni possède en ces parages.

Là, en effet, résidait Mrs Kethlen Seymour, et c’était bien le moins, et par un très naturel sentiment de gratitude, que ses obligés dussent lui rendre hommage.

On imaginera sans peine que si cette généreuse Anglaise tenait à recevoir les neuf lauréats d’Antilian School, ceux-ci, de leur côté, éprouvaient le plus vif désir de connaître cette opulente indigène de la Barbade et de lui exprimer leur reconnaissance.