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JULES VERNE

et leurs suspensions à la cardan, les divers ustensiles pendus à la partie du mât d’artimon qui traversait la table, la claire-voie grillagée que pénétrait largement la lumière du dehors, l’office, dans lequel assiettes, carafes, verres et autres objets étaient assujettis contre le roulis et le tangage.

Puis, en abord ; de chaque côté s’ouvraient les cabines des passagers, pourvues de leurs cadres, de leur toilette, de leur petite armoire, éclairées par un hublot à verre lenticulaire, percé dans les parois de la dunette, C’étaient en ces cabines que seraient groupés les boursiers par nationalité, — à bâbord, Hubert Perkins et John Howard dans la première, Roger Hinsdale seul dans la seconde, Louis Clodion et Tony Renault dans la troisième, à tribord, Niels Harboe et Axel Wickborn dans la quatrième, dans la cinquième, Albertus Leuwen, et dans la sixième Magnus Anders.

Quant à la cabine réservée à M. Horatio Patterson, qui faisait pendant à celle du capitaine, à droite en entrant dans le carré, elle prenait vue sur le devant de la dunette, un peu plus spacieuse que celles de ses jeunes compagnons. À la rigueur, il pourrait se considérer comme le second de l’Alert, et aurait eu le droit de porter deux galons sur les manches de sa redingote.

Il va sans dire que la prévoyante Mrs Kethlen Seymour n’avait rien oublié de ce qui pouvait assurer le confort et l’hygiène des jeunes Antilians. Qu’il n’y eut point de médecin à bord, soit, et vraiment il n’y avait lieu de prévoir ni maladie ni aucun accident grave pendant cette traversée. M. Patterson saurait bien réprimer les imprudences des plus audacieux de la bande. Cependant la pharmacie de l’Alert était amplement fournie des drogues d’un usage courant. Et puis, en cas de mauvais temps, vent et rafales, les passagers pourraient se vêtir en matelots. Ni les surouets ni les capotes et pantalons de toile cirée ne manquaient dans chaque cabine.

On ne s’étonnera pas si Tony Renault et quelques autres voulurent « se mateloter » dès leur arrivée à bord. Pour ce qui concerne M. Horatio Patterson, fidèle au chapeau de haute forme, fidèle à la redingote noire, fidèle à la cravate blanche, il eût cru indigne de son caractère et de sa respectabilité d’endosser la vareuse marine et de se coiffer du surouet traditionnel.

Ce n’était pas, du reste, par ce temps calme, sur les tranquilles eaux de cette baie de Cork, alors que le trois-mâts ne ressentait même pas les ondulations de la houle, qu’il y avait lieu de rien changer à ses habitudes. À la condition que Mrs Patterson se fût trouvée près de lui, il ne lui aurait pas semblé qu’il eût quitté son appartement d’Antilian School. Peut-être même ne voyait-il pas grande différence entre l’anse Farmar et Oxford Street, si ce n’est que les passants y étaient en moins grand nombre.

Le carré visité, les valises mises en place dans chaque cabine, commença l’inspection du navire, dont John Carpenter fit les honneurs, répondant à toutes les questions que lui posaient plus particulièrement Tony Renault et Magnus Anders. Sur la dunette, la roue du gouvernail et l’habitacle furent regardés par eux avec une extrême attention, et, sans doute, à ces futurs marins, la main leur démangeait-elle de prendre la barre, de mettre le cap au nord-nord-est quart d’est ou au sud-sud-ouest demi-quart de sud. Redescendus sur le pont, les jeunes garçons le parcoururent, examinant les deux canots suspendus aux porte-pistolets, et la yole hissée à l’arrière. En avant du mât de misaine était la cuisine, dans laquelle chauffait déjà le déjeuner sous la direction de Ranyah Cogh, lequel fut complimenté par M. Horatio Patterson pour la beauté de son type africain. Enfin, le poste de l’équipage, dont les hommes n’inspirèrent aucune défiance, le gaillard d’avant, le cabestan, l’une des ancres traversée au bossoir de tri-