— Eh bien, entre ! »
Manette pénétra sans trop de difficultés, se retourna et s’assit, les jambes pendantes en dehors :
« Na ! fit-elle avec un petit rire, je suis bien.
— Maintenant, passe-moi tout ce que tu pourras. »
La petite regarda derrière elle :
« Encore des bouteilles ?
— Oui, et d’autres choses aussi.
— Est-ce qu’il y a beaucoup d’autres choses ?
— C’est plein d’affaires. »
Et le déménagement de « l’armoire » commença. Manette passa une bouteille, puis une autre, et une autre, et quantité d’autres, toutes pareilles, toutes pleines d’eau-de-vie. Ensuite, un sac de toile bien lourd, qu’elle traîna et fit tomber presque sur la tête d’Yvon. Celui-ci prit son couteau et fit sauter des ficelles. C’était du tabac !
« Si cela continue, dit Yves, nous voilà bien. Vois encore, Manette… »
Pour les boites, il y en avait en grand nombre, mais elles étaient trop grosses et trop pesantes. Manette ne pouvait même pas les remuer.
« Est-ce que tu ne peux pas ouvrir les boîtes !
— Y a des cordes… »
À ce mot de cordes le cœur d’Yvon battit puissamment. Des cordes ! la liberté, peut-être. On peut faire tant de choses avec de la corde !
« Tu ne peux pas défaire un nœud, petite Manette ?
— J’en vois pas, des nœuds.
— Eh bien, je te vais passer mon couteau et tu couperas la corde en la sciant… Non ! Il ne faut pas couper la corde !… Écoute, voilà ce que tu vas faire : prends le bâton en fer et tâche d’en introduire le bout sous la corde. »
Manette saisit la tringle que lui tendait Yvon et en enfonça l’extrémité sans difficulté sous l’une des cordes. Le fer dépassait d’une grande longueur en dehors de l’armoire.
« Écoute, recule-toi dans le coin où étaient les bouteilles, Manette, et ne bouge pas jusqu’à ce que je te le dise. »
Manette obéit. Yves prit son élan, sauta, saisit l’extrémité de la tringle restée en l’air