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— Je ne l’ai pas, la clef ! dit Yves avec mauvaise humeur, impatienté du raisonnement direct et simple de la petite.

— Faut prendre la clef », répéta l’autre, qui avait toujours vu des clefs là où il avait des serrures.

Elle avait peut-être raison… La clef devait être cachée quelque part. Yves se livra à une recherche fébrile dans tous les coins et recoins, sur les moindres saillies du roc ; sa main erra, tâtonna dans toutes les fissures. Rien… rien que la tige de fer…

La tige de fer ! quelle fortune ! Il arriverait à forcer la porte à l’aide de cet outil.

Aussitôt il essaya.

Placé au-dessous de la planche :

« Est-ce une porte ? » se disait-il.

Il introduisit le bout de la tringle entre la roche et le bois, et il poussa. Le fer entra, mais la planche, élastique, courbée, résista. La serrure tenait. Yves fit jouer le morceau de fer à la manière d’un battant de pompe, de haut en bas ; la porte ne s’ouvrit pas. La planche bâillait plus ou moins, mais tenait ferme. Yves réfléchit. Comment faire ? Comme tous les enfants, et surtout ceux qui habitent les grandes maisons à la campagne, il avait vu travailler les ouvriers, et lui-même il avait tripoté des planches dans ses jeux, manié des outils. Il pensa à un moyen d’écarter le bois du mur de roc assez loin pour que la serrure fût obligée de céder. Il réintroduisit l’extrémité du fer à quelque distance de l’angle de la planche situé au-dessous de la serrure, et, la planche ayant bâillé encore, il poussa la tige de fer de manière à la faire passer sous l’angle de l’autre côté, le moins loin possible de la serrure. Il réussit ainsi à engager la barre sous l’angle de la prétendue porte de deux côtés à la fois. Le carré de bois bâillait plus que jamais. Alors, il écarta le fer du mur aussi vigoureusement qu’il put… Victoire ! un craquement assez violent s’était fait entendre. La porte avait tourné, emportant la serrure dévissée.

« Manette ! Manette ! viens vite ! Viens, que je te montre !…

— Y a pas de bêtes ?

— Mais non. Nous sommes sauvés ! »

Manette, hissée sur l’épaule d’Yves, et tenue par les pieds, finit par consentir à regarder dans la nouvelle cavité, après avoir poussé des petits cris et s’être cramponnée à plusieurs reprises à la tête du garçon, dans la crainte de tomber.

Elle ne disait rien.

« Eh bien, qu’est-ce qu’il y a ?

— C’est noir, là-dedans.

— Enfin, qu’est-ce que tu vois ?

— Y a des boîtes.

— Des boîtes ?

— Et puis des paquets.

— Et encore ?

— Y a des bouteilles. »

Yvon poussa un cri de joie :

« Est-ce que tu peux prendre quelque chose ? »

Et il l’appliqua plus près du mur en s’y collant lui-même.

Manette tendit sa petite main. Il y eut un bruit de verre entre-choqué, et elle tira une bouteille.

Manette ramenée à terre, Yves examina la trouvaille. La bouteille était pleine. Le bouchon était facile à enlever. Yves flaira au goulot : c’était de l’eau-de-vie.

« À boire. Donne-moi à boire, grand Yvon, faisait Manette impatiente, en secouant ses petits poings.

— C’est de l’eau-de-vie, de l’eau qui brûle ; mais tu vas remonter, nous trouverons peut-être autre chose. »

Petite Manette, hissée de nouveau, appuya cette fois ses coudes et entra la moitié du corps.

« C’est une armoire.

— As-tu de la place pour entrer ?

— Oui.