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me faire ton propre éloge ? Oui ? Alors, silence. Et toi, Pompon, raconte ton voyage. »

Plus traces de larmes ! Des fossettes subitement creusées dans le petit visage rieur : un vrai changement à vue.

Il commença, l’air important :

« On m’avait mis dans la voiture zaune avec Kate ; lui, Lilou, il était dans la voiture noire… non pas noire… bleue, que z’ai vu. Et… et… Claire, z’ai plus de tarte.

— Que veux-tu que j’y fasse ?

— Donne-moi-z’en une autre.

— Je n’en ai plus.

— Ça ne fait rien, donne tout de même.

— Ils sont étonnants ! Jamais je n’aurais cru que des enfants, c’était cela ! Ceux que j’ai vus jusqu’ici ne leur ressemblaient pas ; non, non, ils n’étaient pas si drôles », pensait la jeune fille.

Et à Pompon :

« Tu vas voir une dame qui en a une grande, de tarte, tu lui en demanderas.

— Qui c’est, la dame ?

— C’est ma grand’mère.

— Une grand’mère, quoi c’est ?

— C’est une vieille dame très bonne qui gâte beaucoup les petits enfants.

— Elle leur donne qué de çoze ?

— Ah ! je crois bien ! Tout ce qu’ils désirent, »

Pompon regarda Lilou. Leurs jolis yeux brillaient d’envie.

« Tu veux nous la prêter, ta grand’mère, supplia Lilou.

— Tu veux, dis, Claire ? appuya Pompon.

— Quels petits mendiants ! Vous n’en avez donc point, vous, de grand’mère ?

— Non, répondit Lilou en soupirant très fort.

— Zamais, zamais ! nous en ave, gémit Pompon.

— Je veux bien vous prêter la mienne. Seulement, tachez de comprendre… Si elle vous demande qui vous êtes, vous direz : « Lilou et Pompon. » Vous ne prononcerez pas d’autre nom.

— D’aut’ nom !…

— Oui, comment s’appelle votre papa ?

— Hervé et encore papa.

— Qui l’appelle Hervé ?

— Tante Brigitte, et puis Yucca, son ami, et puis… et puis encore des aut’ mondes que je sais pas dire.

— Il n’est pas le baron de Kosen ?

— Ah ! si ! Mais c’est Kate et Gretchen, et Césaire, et les aut’ domestiques qui lui disent :

« Monsieur le baron », pas nous.

— Je m’en doute ! Quels petits serins vous faites !

— Hi, hi, hi… geignit Pompon.

— Qu’est-ce qui te prend encore, toi ?

— Z’es pas un oiseau, z’es Pompon. Le serin, il est dans la caze de Césaire. Ze veux pas qu’on me met dans la caze !

— Monsieur est offensé ! Allons, tais-toi ou bien je ne te prêterai pas ma grand’mère. Tâchez d’être aimables, si vous voulez revenir. »

Elle les prit par la main et marcha droit à la salle à manger.

Madame Andelot y était déjà installée devant le couvert mis.

« Je te présente deux bonshommes qui n’ont pas déjeuné, annonça Clairette d’un petit air détaché, en embrassant l’aïeule ; tu les invites ?

— Où les as-tu trouvés ? s’informa la vieille dame, tout en examinant curieusement les petits, qui restaient aux côtés de leur grande amie, cramponnés à sa robe.

— Je les ai fait passer de l’enclos voisin dans le nôtre.

— Par où, Seigneur ? s’écria Mme  Andelot effarée, en regardant Lilou et Pompon avec une attention soudaine, qui amena un sourire sur les lèvres de la jeune fille.

— Par là-bas, tout au fond, vers la palissade.

— De quoi se tuer !

— Non, non, j’ai posé une petite échelle