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fille avait organisé un passage qu’avait lieu l’entretien. Depuis l’aube, elle travaillait à rendre le jardin de grand’mère accessible aux deux bambins.

Elle y avait pleinement réussi, grâce à un banc de jardin découvert dans le parc de Vielprat et traîné jusqu’au point d’escalade.

À genoux maintenant à l’extrême bord du rocher, face au parc, tout en causant avec les enfants, elle s’assurait que leur transbordement d’un enclos à l’autre n’offrait pas de danger.

Lilou et Pompon, plantés devant le banc qu’ils n’avaient pas tardé de découvrir guidés par la voix de Claire, attendaient que celle-ci commandât la manœuvre, un peu interdits devant cette muraille de rochers quatre fois haute comme eux.

Il pouvait être sept heures et demie, l’heure ou Pétiôto s’occupait du petit déjeuner. En se hâtant, on arriverait à point pour lui faire doubler la dose de cacao.

Et, en attendant de se mettre à table, les petits croqueraient les tartes.

« Montez sur le banc, commanda la jeune fille, posez le pied sur le rocher, là ; toi d’abord, Lilou, puisque tu es le « garçon ». Bon : t’y voilà. Maintenant, tiens-toi aux branches d’une main et donne-moi l’autre. » Et, quand il fut sur le plateau :

« À ton tour, Pompon. »

Claire s’était placée de manière à saisir les deux bonshommes, — deux pauvres petites plumes ! ils étaient si menus ! — au cas où ils viendraient à perdre l’équilibre. Mais ils se montrèrent fort agiles.

« Je vois que vous avez appris à grimper, depuis notre première rencontre, observa la grande amie.

— Oui, répondit Pompon. C’est pour viendre vers toi. Mais moi, hier, z’es tombé, ze m’es tuyé ma mienne de zambe. »

Et, allongeant son petit mollet nu, il montra à Claire une longue estafilade.

« Eh bien ! s’exclama celle-ci, ce que tu as dû crier ! »

Le bambin secoua sa tête frisée et, candidement, avoua :

« Z’ai rien dit, y avait personne ; on pouvait pas me donner qué de çoze.

— Voilà qui est bien raisonné, fit Claire en éclatant de rire. Tu gardes tes larmes pour les occasions où elles ont chance de te profiter : pas bête, ça, Pompon. »

Elle les avait amenés devant l’échelle permettant l’accès du jardin Andelot.

« C’est pour vous que je l’ai apportée ; vous voyez que je vous attendais ; mais pas si matin. »

Ils en descendirent lestement les degrés. Grâce à la tranchée ouverte parmi les ronces, à coups de sécateur, la veille, ils avançaient sans peine.

Lorsqu’on fut parvenu à l’allée de grand’mère :

« Attendez-moi ici, commanda Claire ; je vais dire qu’on vous fasse à déjeuner, et je vous rapporterai quelque chose de bon : ne vous avisez pas de vous battre en mon absence ; je vous mettrais au pain sec ! »

Elle revint bientôt, une tarte dans chaque main.

« Ze t’aime comme si tu es un gâteau, déclara Pompon enthousiasmé.

— C’est là ta mesure ! Tu es un garçon pratique, toi.

— Moi aussi je te z’aime, dit Lilou. Mais faut pas dire que tu n’aimes pas les enfants.

— Ou bien tu ne voiras pas les desserts du bon Dieu, articula Pompon d’un ton de menace.

— Qu’est-ce que je ne « voirai » pas ?

— Les desserts du bon Dieu. Y sont dans le paradis ; nounou le save bien ! Quand on y va, on les voit, et on manze tout ce qu’on veut. Toi tu auras rien, si tu veux pas nous aimer.

— Faut bien que tu nous z’aimes, puisque