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vite, il lui vint une idée : si ce morceau de fer était suffisamment long pour toucher les deux parois de l’entrée de la cave, il serait possible, peut-être, de se servir de ce point d’appui pour grimper. Il appuya l’un des bouts de la barre de fer à une très légère saillie du soupirail ; mais, hélas ! la tringle était trop courte ; et, quant à la mettre dans l’angle, il n’y fallait pas compter. Dans l’angle, pas la moindre plate-forme de rochers… par conséquent, la barre de fer y glissait des deux bouts, dans quelque position qu’on la plaçât. Yvon pensa bien à attacher ensemble la tringle et sa veste, et à chercher à accrocher la veste quelque part au haut du puits. Il n’avait pas grande confiance, parce qu’il se rappelait la nature du terrain et qu’il savait qu’il n’y avait au dehors rien de capable d’accrocher le vêtement pour qu’on put s’y pendre ensuite. Il laissa la barre de fer et revint visiter les autres crevasses. Dans la cinquième, il eut beau fouiller, il ne trouva aucune barre de fer, aucun indice de la présence d’un objet quelconque, mais, là, la crevasse s’étendait trop loin pour qu’on en pût voir le fond.

Yvon essaya d’y entrer, elle était trop étroite, ou, lui, trop gros. Peut-être petite Manette, plus mince, pourrait-elle y pénétrer ? Il lui demanda de le faire.

« Je ne veux pas, cria aussitôt la petite fille.

— Pourquoi ?

— Je ne veux pas entrer dans le trou noir !

— Il n’y a pas de danger.

— Je ne veux pas.

— Mais, petite Manette, si on pouvait s’en aller par là, par hasard ?

— Mais puisqu’on doit venir nous chercher !

— Oui, mais on s’en irait plus vite. Voyons, essaye d’entrer. Tu vois bien qu’il n’y a pas de trou en dessous, puisque je tape avec la baguette. Tu pourras marcher. Et je te tiendrai par la robe. »

Petite Manette refusait toujours. Yvon lui expliquait qu’elle entrerait seulement un peu, et chercherait, en tenant la baguette droit devant elle, si la fissure s’étendait beaucoup plus loin. Il fut très long et difficile de la décider, et elle ne finit par consentir qu’à condition qu’Yves continuerait à la tenir par une main sans lâcher sa robe. Elle put passer la tête et les épaules très juste, mais, aussitôt qu’elle était entrée, elle ressortait effrayée et se laissait retomber dans les bras d’Yvon. Celui-ci recommençait avec une grande patience à lui persuader de rentrer. Il parvint à obtenir d’elle qu’elle remuât la baguette de fer dans tous les sens, en haut et en bas. Elle le fit, en s’y reprenant à plusieurs fois, et, rien qu’au tintement que produisait la tringle en frappant le fond de pierre, Yvon put reconnaître qu’il n’existait aucune issue par là.

« Il n’y a pas moyen ! laissa-t il échapper dans sa déconvenue.

— Pourquoi tu ne grimpes pas là-haut ? » demanda Manette.

Elle ne comprenait pas l’impossibilité.

« Je ne peux pas.

— J’ai vu des petits garçons grimper sur des arbres, très haut, très haut…

— S’il y avait un arbre, je pourrais monter en y grimpant, parce que j’entourerais l’arbre de mes bras et de mes jambes. Je ne peux pas entourer le rocher. »

C’était une idée qui n’entrait pas dans la tête de Manette.

« Les petits garçons montaient, eux ! »

Yvon était humilié.

« Elle ne vient pas, ta bonne sœur Manon ; elle est méchante. »

Yvon ne répondit pas.

En effet, Grande Manon ne venait point, ni personne. Et l’angoisse d’une inquiétude plus vive que jamais allait grandissant dans le cœur du petit garçon. L’avenir immédiat apparaissait bien noir maintenant à l’enfant qui avait été si courageux, si ingénieux jusqu’ici, et qui ne voyait plus rien à faire… Il avait