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Et beaucoup de bleuets. Et beaucoup de soleil. J’ai soif.

— Bois, mais laisse-m’en un peu. Il n’y en a pas d’autre. »

Le repas était terminé. Ils avaient mangé et bu tout ce qu’il restait. Mais qu’est-ce que cela faisait ?

« Ce soir, nous dînerons au château.

— Je veux bien.

— Et tu ne diras pas : « Je veux m’en aller » ?

— Non, grand Yvon.

— Tu verras comme elle est bonne, maman Manon… Elle va venir, bien sûr, et grand-père aussi viendra, avec Médor… »

Yvon parla longtemps de sa famille à lui, de ses jeux, des promenades qu’il faisait, des chasses avec son père. Ensuite Yves résolut, pour passer le temps, d’explorer tout à fait le fond de la grotte, là où il avait senti à la main de grandes fissures. Il faisait très noir par là. C’était du côté opposé à la fenêtre. Il se mit à battre le briquet. Les étincelles jaillirent. Manette dit : « C’est moi qui veux faire », car elle trouvait jolies les étincelles qui sortaient de la pierre.

Yvon se laissa prendre des mains le briquet, la pierre et l’amadou par la petite impatiente. Il était sùr au moins que rien ne pouvait se perdre, là où ils étaient. Manette, du premier coup, se frappa cruellement sur l’ongle avec le petit outil de fer qui sert à attaquer la pierre. Il ne sortit pas d’étincelle, mais la petite fille, qui n’était pas habituée à souffrir, poussa des cris perçants. Yvon, en grand frère, la consola, souffla sur la main malade, en disant qu’il n’y avait plus rien, et lui montra, de près, pour l’amuser, comment on plaçait la mèche d’amadou bien contre le tranchant de silex, en tenant ensemble dans la main gauche l’amadou et la pierre, sans laisser dépasser les doigts, et comment alors on frappait sur le tranchant de la pierre, et non sur ses doigts, un coup sec ; comment l’étincelle, une fois que l’amadou l’avait reçue, ne s’éloignait plus. Et il fit souffler Manette avec sa bouche, de toutes ses forces, sur l’amadou, pour qu’il prît bien et s’enflammât.

La chandelle allumée, Yvon se dirigea vers le fond de la grotte. Manette se pendait à sa veste. Elle ne voulait pas le quitter.

« Grand Yvon, je ne veux pas rester en arrière.

— Pourquoi ?

— Il y a de grandes ombres sur le mur, là-bas.

— Mais tu vois bien que c’est nous, les grandes ombres ?

— Ça fait rien, j’ai peur. Je veux pas rester toute seule là où il fait nuit.

— Il ne faut pas avoir peur de la nuit. Ce n’est pas mauvais, la nuit. C’est frais, l’été, et l’on y voit de belles choses. Il y a souvent la lune qui fait de l’or qui remue sur l’eau, et des étoiles plus brillantes que l’or et l’argent. Il ne faut pas avoir peur la nuit plutôt que le jour. Il ne faut jamais avoir peur.

— Moi, j’ai peur tout le temps. Toi, tu es grand, grand Yvon ; moi, je suis petite. »

Ils s’approchèrent des crevasses. Il y en avait quatre à côté l’une de l’autre, et une cinquième qui faisait l’angle. Dans les trois premières, où Yvon introduisit sa lumière, il n’y avait rien. On voyait bien, du haut en bas, que ce n’était que du rocher entamé peu profondément. À la quatrième, Yvon eut une surprise : le fond de la crevasse apparaissait aussi, peu éloigné, mais, au creux d’une autre petite crevasse qui donnait dans la première, il y avait une baguette de fer assez longue ! Yvon poussa une exclamation d’étonnement qui fit peur à Manette. Elle se serra davantage contre lui.

« Il est venu quelqu’un avant nous, ici ! s’écria Yvon.

— Pourquoi il est venu ?

— Il faut que ce soit quelqu’un qui ait apporté ce fer. »

Yves s’était emparé de la baguette, et, très