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JULES VERNE

ders, placé au cinquième rang dans le concours.

À tout prendre, la tâche de M. Ardagh et de ses collaborateurs n’était pas exempte de certaines difficultés pratiques. Ne fallait-il pas un véritable esprit de justice, une méthode sûre et continue, une main habile et ferme, pour empêcher, parmi ces fils de familles aisées, des rivalités de se produire lorsqu’elles perçaient malgré la volonté de les contenir.

Or, précisément, à propos de ce concours, on aurait pu craindre que les ambitions personnelles eussent amené quelque désordre, des réclamations, des jalousies, lorsque les lauréats seraient proclamés. Mais, en fin de compte, le résultat avait été satisfaisant, un Français et un Anglais occupaient le premier rang, ayant obtenu le même nombre de points. Il est vrai, si c’était un sujet de la Reine Victoria qui venait à l’avant-dernier rang, c’était un citoyen de la République française qui figurait au dernier, Tony Renault, dont aucun des pensionnaires ne se fût montré jaloux. Intermédiairement, aux autres places se succédaient divers natifs des Antilles anglaises, françaises, danoises, hollandaises, suédoises. Pas de Venizolans, ni d’ailleurs d’Espagnols, bien que le personnel scolaire de l’établissement en comptât une quinzaine à cette époque. Il y a lieu d’observer, au surplus, que, cette année-là, les élèves originaires de Cuba, de Saint-Domingue, de Porto-Rico, les grandes Antilles, compris entre douze et quinze ans, se trouvaient parmi les plus jeunes et n’avaient pas été en état de prendre part à ce concours qui exigeait au moins dix-sept ans d’âge.

En effet, le concours avait porté non seulement sur les matières scientifiques et littéraires, mais aussi — on ne saurait s’en étonner — sur les questions ethnologiques, géographiques, commerciales, qui se rattachaient à l’archipel des Antilles, son histoire, son passé, son présent, son avenir, ses relations avec les divers États européens, qui, après le hasard des premières découvertes, en avaient relié une part à leur empire colonial.

Et, maintenant, voici quel était le but dudit concours, quels avantages devaient en résulter pour les lauréats : il s’agissait de mettre à leur disposition des bourses de voyage et de leur permettre de satisfaire pendant quelques mois ce goût des explorations, des déplacements, si naturel à des jeunes garçons n’ayant pas encore dépassé la vingt et unième année.

Ainsi donc, ils étaient neuf qui, grâce à leur rang, allaient pouvoir, non point courir le monde entier, comme la plupart d’entre eux l’auraient voulu, mais visiter quelque intéressante contrée de l’ancien ou même du nouveau continent.

Et qui avait eu l’idée de fonder ces bourses de voyage ?… C’était une riche Antilienne d’origine anglaise, Mrs Kethlen Seymour, qui habitait la Barbade, une des colonies britanniques de l’archipel, dont le nom fut alors prononcé pour la première fois par M. Ardagh.

Que l’on juge si ce nom fut salué par les hurrahs de l’assistance et avec quel entrain ces cris retentirent :

« Hip !… hip !… hip !… pour mistress Seymour ! »

Toutefois, si le directeur d’Antilian School avait révélé le nom de la bienfaitrice, de quel voyage s’agissait-il ? Ni lui ni personne ne le savaient encore. Mais, avant vingt-quatre heures, on serait fixé à cet égard. Le directeur allait câbler à la Barbade le résultat du concours, et Mrs Kethlen Seymour lui répondrait par un télégramme indiquant tout au moins en quelle région les boursiers effectueraient ce voyage.

Et on imaginera volontiers avec quelle vivacité les propos s’échangèrent entre ces pensionnaires qui s’envolaient déjà en idée vers