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Et à son frère :

« C’est la dame qui appelle le papa de Jean Henri… Jean dit « maman » à la dame ; moi, je l’ai entendu.

— Moi aussi, déclara Pompon.

— Nous en avons point, nous, de maman, reprit Lilou. Nous en avons jamais eu.

— Zamais ! zamais ! affirma Pompon.

— Point de maman !… » prononça Claire vaguement attendrie.

Elle se sentait apitoyée.

« Ni point de papa ! » s’informa-t-elle tout en emmenant les deux petits s’asseoir avec elle sur l’arbre couché, son ancien banc.

« Oh ! un papa, nous en avons un, oui ; mais pas à présent.

— Où est-il donc, votre papa ?

— Il est sous la montagne avec les chasseurs lapins. »

Claire éclata de rire.

« Sous la montagne !

— Pas celle-là, expliqua Pompon, les Aples.

— Je commence à comprendre. Il y est tout le temps avec les chasseurs « lapins », sous la montagne, votre papa ?

— Non, Kate dit vingt-huit jours.

— Qui ça, Kate ?

— Notre bonne anglaise.

— Ah ! vous avez une bonne anglaise ?

— Oui. Et encore Gretchen.

— Allemande, celle-ci ?

— Oui.

— Où sont-elles donc, en ce moment, vos bonnes ?

— À l’office. Elles manzent, soupira mélancoliquement Pompon.

— Elles mangent du thé et du café au lait, précisa Lilou, dont l’œil fin s’alluma d’un éclair de gourmandise ; nous, on nous en donne point.

— Zamais, zamais, pleurnicha Pompon.

— Pauvres mioches », fit Claire, intéressée par des enfants pour la première fois de sa vie.

Mais vraiment ceux-là pouvaient-ils ne point inspirer la pitié ! Orphelins, déjà ! et confiés par leur père à deux bonnes qui s’en inquiétaient si peu !

Cependant, l’Allemande ou l’Anglaise pouvait avoir terminé son petit lunch et paraître.

Claire jugea que sa promenade ne devait pas se prolonger davantage. Seulement, il fallait se débarrasser de Lilou et de Pompon, sans leur laisser la possibilité de découvrir le chemin qu’elle allait prendre.

« Adieu, mes bons petits ! » dit-elle en faisant mine de se lever.

Adieu ! Ah ! bien oui ! Ils se cramponnèrent à sa robe chacun de son côté, la retenant de toutes leurs forces.

« Faut rester z’avec nous, dit Lilou d’un ton de commandement. Tu me feras faire la lettre de papa. Kate n’a jamais le temps. Je veux lui mettre un beau z’œillet dans l’enveloppe, un rouge.

— Tu veux, dis ? insista Pompon câlinement, en frottant sa tête frisée contre l’épaule de la jeune fille.

— Quand j’es tout le temps avec mes bonnes, ça me z’ennuie », déclara Lilou.

Puis, se câlinant comme son frère :

« Tu veux être une maman z’à nous ?… Tu diras Hervé à papa, et lui te dira… Comment que tu t’appelles, madame ?

— Je ne suis pas une dame ; je suis une jeune fille : je me nomme Claire.

— Alors papa te dira : « Claire ».

— Ah ! merci bien ! Votre maman !… D’abord, je déteste les enfants. Bonsoir, mes petits. »

Ils se mirent à crier avec ensemble, pareillement que si on les eût roués de coups.

« Ah ! oui, je les déteste ! s’écria Claire, riant et se bouchant les oreilles.

— Et moi, articula Pompon, par mots hachés, coupés de cris aigus, ze veux que tu nous tiende par la main et que tu viendes cez nous, pour nous montrer les imazes comme papa. Getcen veut zamais, ni Kate.

— Et moi, je veux m’en aller.